Gustave Doré

Gustave Doré
"Personne ne parle le francophone, ni n'écrit en francophone. La francophonie est de la lumière d'étoile morte. Comment le monde pourrait-il se sentir concerné par la langue d'un pays virtuel ?" Manifeste pour une littérature-monde, 2007

sábado, 1 de septiembre de 2012

André Malraux



 

André Malraux

(1901-1976)


"Servi par une mémoire prodigieuse et par l'intelligence la plus vive, comblé de dons par toutes les fées, Malraux est l'homme de trois dieux, aimés inégalement : l'art, la révolution et le général de Gaulle." Jean d'Ormesson
Pour beaucoup d'écrivains, l'enfance fait l'objet d'une introspection nostalgique ou émerveillée. André Malraux, lui, a mis toute son énergie à l'oublier : " Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne" écrira-t-il dans ses Antimémoires en 1967. Il n'aimait guère, non plus, que l'on fouille ce "tas de petits secrets" qu'est la vie d'un homme... Aussi s'emploiera-t-il à brouiller les pistes concernant sa propre existence.
Rien ne prédestinait ce jeune banlieusard sans fortune, né en 1903, au pied de la butte Montmartre à devenir l'un des géants français du vingtième siècle. Elevé, du fait de la séparation de ses parents, par trois femmes, sa grand-mère, sa mère et sa tante, il découvrira d'abord le monde au travers des livres et des musées. Doué d'une grande curiosité et d'une mémoire prodigieuse, il devient "chineur" pour un libraire-éditeur parisien, et s'immisce ainsi dans les milieux littéraires et artistiques de l'avant-garde. Malraux se passionne pour la peinture cubiste. Un grand marchand de tableau, qui est aussi éditeur, Kanhweiler, éditera en 1921 le premier livre de Malraux : Lunes en papier.
Puis Malraux rencontre Clara Goldschmidt, riche héritière d'une famille allemande émigrée. La jeune fille est immédiatement séduite par ce garçon élégant à l'intelligence brillante et aux propos pétillants. Fiançailles, mariage. Malraux place la fortune de son épouse en bourse. Les entreprises minières mexicaines dans lesquelles il a tout misé, ne tiendront pas leur promesse. Le couple est ruiné.
Pour se reconstituer rapidement un patrimoine, André Malraux prend l'étrange décision d'aller s'emparer de quelques statues khmères dans la jungle cambodgienne pour les revendre ensuite en occident. L'expédition est un désastre. A la veille de Noël 1923, le couple est arrêté à Phnom-Penh. André Malraux est condamné à trois ans de prison ferme. Clara Malraux, elle, bénéficie d'un non lieu et parvient à rentrer en France. Elle réussira, en mobilisant une vingtaine de grands écrivains français à faire libérer son mari.
Mais ce séjour asiatique  lui a donné le virus de l'aventure et a révélé son intérêt pour l'action politique. Malraux retourne en Asie. Ses positions anti-coloniales lui valent quelques démêlés avec la justice. Rédacteur en chef d'une publication clandestine, L'Indochine enchaînée, Malraux suit avec un regard attentif les événements de la révolution chinoise, notamment le soulèvement de Canton (1925). Revenu en France, il publie ses premiers romans : La Tentation de l'Occident (1926) , Les Conquérants (1928) , La Voie royale (1930, prix Interallié). La condition humaine lui vaut le prix Goncourt en 1933.
Son goût de l'action et ses convictions anti-fascistes poussent Malraux à participer à la guerre civile espagnole aux côtes des républicains en 1936. Ces événements lui inspireront un grand roman : L'Espoir ( 1937) et un film ( Sierra de Terruel, 1939)
Durant la seconde guerre mondiale, Malraux entre tardivement dans la résistance ( en 1943) sous le nom de colonel Berger. Il éprouve de grandes difficultés, tant auprès des résistants gaullistes que communistes, qui le considèrent comme un transfuge tardif. En juillet 1944, sa voiture tombe dans une embuscade à Toulouse : blessé, Malraux est arrêté, interrogé, et transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Il ne doit sa libération, en août, qu'à un départ précipité des allemands.
En 1945, il rencontre le Général de Gaulle. Un grande admiration réciproque se crée entre les deux hommes. Malraux accepte de devenir son conseiller technique à la Culture et devient un éphémère ministre de l'Information (novembre 1945 à janvier 1946).
Il ne quittera plus le Général de Gaulle. Lors de son retour aux affaires en 1958, il devient Ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles. Le militant révolutionnaire s'est mué en militant gaulliste. Sa diction magnétique et haletante résonne pour longtemps dans nos mémoires : l'oraison funèbre de Braque et le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon...
Malraux publiera encore La Voix du Silence (1951), La Métamorphose des dieux (1957-1976), et les Antimémoires (1967).
En 1970, il publie les Chênes que l'on abat, un dernier hommage au général de Gaulle disparu, dont il était resté le plus proche des compagnons.
Il meurt en 1976, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, suite à une congestion pulmonaire.
Malraux est un personnage que l'on a eu trop tendance à statufier . Sans doute le livre d'Olivier Todd ("André Malraux. Une vie", Biographie d'Olivier Todd, Gallimard, avril 2001) , qui va ébranler ce monument trop vénéré, sera-t-il salutaire ?
Jean d'Ormesson écrivait d'ailleurs, il y a quelques années, dans son dictionnaire de la Littérature française : "Le risque pour Malraux est de voir son œuvre étouffée par sa vie tumultueuse. Le Panthéon est un triomphe, mais ce n'est pas au Panthéon, c'est dans le cœur et la mémoire que survivent les écrivains."
En dévoilant les mensonges et les points faibles de Malraux, Olivier Todd, comme l'écrit Angelo Rinaldi, "humanise" la statue ; et c'est tant mieux.

 Biographie d'André Malraux
1901
André Malraux naît à Paris le 3 novembre. Son père, Fernand Malraux, est originaire de Dunkerque, où il est né en 1875. Son grand-père paternel, armateur, est évoqué dans Les Noyers de l'Altenburg et dans Le Miroir des limbes.
La mère d'André Malraux, Berthe Lamy est originaire de la région parisienne (elle est née en 1877). Les grands parents maternels d'André Malraux étaient boulangers à Saint-Maur-des-Fossés.
1902
En décembre, naissance du petit frère d'André Malraux, Raymond-Fernand, qui ne vivra que trois mois.
1905
Séparation des parents d'André Malraux. Sa mère s'installe chez sa propre mère, à Bondy. Celle-ci y tient avec sa seconde fille, Marie Valentine, une épicerie. André Malraux vivra jusqu'en 1920 avec sa grand-mère, sa mère et sa tante dans cette maison à un étage (l'épicerie étant située au rez-de-chaussée).
André Malraux ne gardera pas un très bon souvenir de son enfance : " Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne" ( Antimémoires, 1967)
1910
André Malraux passe ses vacances d'été chez ses grands-parents à Dunkerque. Il lit Alexandre Dumas.
1912
Le père d'André Malraux s'est remarié. Naissance de Roland Malraux, son premier demi-frère.
1914
André Malraux obtient son certificat d'études primaires
En septembre, il visite avec ses camarades de classe le champ de bataille de la Marne. Trop jeune pour aller combattre, il vivra la guerre au travers de l'expérience de son père, sous lieutenant dans les chars.
Il commence à aller au théâtre, et s'évade en lisant Hugo et Flaubert.
1916
André Malraux assiste à une représentation du Cid à la Comédie française. Il commence à fréquenter concerts et expositions et s'essaie, sans grand succès, à la peinture.
Il est alors élève au lycée Turgot. Bien que moyen en composition française, il se passionne au-delà des romanciers et des poètes français pour la littérature russe, notamment, Tolstoï et Dostoïevski.
1918
Face au refus du lycée Condorcet de l'inscrire, il abandonne les études secondaires. Son amour de la lecture lui permet de se passionner pour Corneille, Hugo, Flaubert, Nietzsche, Tolstoï, Dostoïevski, Michelet, Baudelaire, Loti, Barrès … et de devenir un véritable bibliophile. Il commence à gagner sa vie grâce à ses activités de chineur chez les bouquinistes.
1919
Il travaille pour le compte de René-Louis Doyon, qui tient la librairie La Connaissance. C'est grâce à cette activité qu'il entre en contact avec le poète Max Jacob.
1920
René-Louis Doyon lance sa revue, La Connaissance, et ouvre ses colonnes à André Malraux. Ce dernier publie un premier article consacré à la poésie cubiste.
André Malraux côtoie les milieux artistiques et littéraires parisiens : Paul Morand, Jean Cocteau, Raymond Radiguet, André Salmon, Max Jacob, André Suarès, Pierre Reverdy, Vlaminck, Derain, Léger…
René-Louis Doyon lance également une activité d'éditeur à laquelle Malraux collabore. Il publie aussi des articles dans la revue d'avant-garde, Action, de Florent Fels, notamment sur les Chants de Maldoror de Lautréamont, Les Champs magnétiques de Philippe Soupault et La Négresse du Sacré-Coeur d'André Salmon.
Le libraire Simon Kra lui confie la direction artistique des Éditions du Sagittaire ; il y publiera notamment : Le Livret de l'imagier de Remy de Gourmont et Carnet intime de Laurent Tailhade.
Ces activités permettent à Malraux de quitter le pavillon de Bondy pour s'installer à Paris.
1921
Max Jacob le présente au marchand de tableaux Kanhweiler, qui engage Malraux comme éditeur à la Galerie Simon. Malraux travaille alors à la publication de textes de Max Jacob, de Vlaminck, de Radiguet et de Reverdy.
Malraux publie Lunes en papier, son premier livre aux éditions de la Galerie Simon.
Il rencontre Clara Goldschmidt à un dîner organisé par Florent Fels. Ils partent ensemble fin juillet en Italie : Florence, puis Venise. Ils doivent rentrer prématurément en août faute d'argent. Ils profitent de ce voyage pour télégraphier leurs fiançailles à la mère de Clara.
André Malraux et Clara Goldschmidt se marient en octobre à Paris, puis partent en voyage à Prague et à Vienne. Ils passent les fêtes de fin d'année à Magedbourg, berceau de la famille de Clara.
1922
André Malraux et Clara Goldschmidt poursuivent leur voyage vers Berlin; ils y découvrent l'expressionnisme allemand. André Malraux entame une collaboration avec la NRF. Il publie notamment un compte rendu sur L'Art poétique de Max Jacob.
Le couple Malraux voyage en Tunisie et en Sicile.
1923
André Malraux parvient à échapper au service militaire, en se faisant réformer.
André Malraux qui avait placé la fortune de son épouse en bourse doit faire face à l'effondrement des valeurs mexicaines qui constituaient la majorité de son portefeuille boursier. Le couple est ruiné.
Pour se reconstituer rapidement un patrimoine, André Malraux prend l'étrange décision d'aller s'emparer de quelques statues khmères dans la jungle cambodgienne pour les revendre ensuite en occident. L'expédition qui est montée avec Louis Chevasson, l'ami d'enfance, sera un désastre. Ils embarquent en octobre sur l'Ankgor. À la mi-décembre, ils arrachent sept pierres au temple de Banteaï-Srei . ils les emballent et les emportent sur des charrettes. De retour à Phnom-Penh, à la veille de Noël, ils sont arrêtés après la fouille de leurs bagages et assignés à résidence.
1924
André Malraux est condamné en juillet à trois ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Phnom-Penh. Clara Malraux, elle, bénéficie d'un non lieu et parvient à rentrer en France. Elle réussit avec l'aide de Marcel Arland à réunir les signatures d'une vingtaine d'écrivains au bas d'une pétition qui paraît dans Les Nouvelles Littéraires le 6 septembre (Gide, Mauriac, Breton, Aragon, Gallimard, Max Jacob…). En octobre, la cour d'appel de Saigon réduit la peine de prison d'André Malraux et l'assortit d'un sursis.
André Malraux rentre en France en Novembre.
1925
Avant de repartir pour Saigon, André Malraux signe un contrat pour trois livres avec l'éditeur Bernard Grasset.
Le couple Malraux fonde, à Saigon, avec l'avocat Paul Monin, L'Indochine , un journal d'opposition au gouvernement colonial. Le premier numéro de L'Indochine sort en juin ; Ce journal paraît jusqu'au 14 août. Sa parution doit cesser du fait des pressions du gouverneur sur les imprimeurs locaux. André Malraux et ses amis parviennent à acheter des caractères d'imprimerie à Hongkong, et feront paraître L'Indochine enchaînée de fin novembre 1925 à janvier 1926.
Malade , André Malraux doit rentrer en France. Il s'embarque pour la France le 30 décembre. De ce séjour en Indochine il garde à la fois l'expérience de son combat contre la société coloniale et le goût d'un journalisme engagé.
1926
Sur le bateau du retour, André Malraux commence à rédiger les premiers fragments de La Tentation de l'Occident, qui paraîtra en juillet chez Grasset. Cet "essai-roman " est un récit épistolaire entre un jeune occidental et un jeune oriental : le français A.D qui découvre l'Asie échange ses impressions avec le chinois Ling, qui lui, visite l'Europe.
André Malraux, fait maintenant figure, en France, de spécialiste de l'Extrême Orient
1927
André Malraux doit garder le lit pendant près de trois mois, en raison d'une grave crise de rhumatisme articulaire.
Il publie en mars, chez Grasset, son essai : D'une jeunesse européenne.
Il travaille à son roman Les Conquérants, qu'il publiera en 1928. Il continue de rédiger des comptes rendus à la N.R.F.
1928
André Malraux signe un contrat chez Gallimard, et entre au comité de lecture .
Parution de : Les Conquérants chez Grasset et de Royaume-Farfelu chez Gallimard.
Il commence à travailler au manuscrit de La Voie royale.
1929
Il devient directeur artistique chez Gallimard, où il crée la collection des Mémoires révélateurs
Il va effectuer, de 1929 à 1931, avec Clara, plusieurs voyages en Orient. Au printemps, ils partent pour la Perse. Ils passent par Naples, Constantinople et Bakou . Ils reviendront en passant par l'Irak, la Syrie et Beyrouth.
1930
Parution de La Voie royale (Grasset), qui obtient le prix Interallié. Ce roman tiré de l'expérience de Malraux dans la forêt cambodgienne, conte les aventures "métaphysiques" de Claude Vannec, archéologue, et de l'énigmatique Perken, ancien agent secret. Ces deux personnages effectuent un voyage " au bout de la nuit", à la recherche d'un autre aventurier, perdu dans la région proche des temples.
Malraux édite Calligrammes d'Apollinaire et crée la Galerie de la N.R.F
En décembre, suicide par asphyxie de son père.
1931
André Malraux organise plusieurs expositions à la Galerie de la N.R.F. sur l'art gothico-bouddhique, l'art indo-hellénistique, et l'art des nomades de l'Asie centrale.
La N.R.F. d'avril publie La Révolution étranglée, article de Trotski sur Les Conquérants, suivi de la réponse d'André Malraux.
En mai, nouveau voyage de Clara et André Malraux en Asie. Ils vont à Ispahan, puis en Afghanistan et en Inde. Grâce à Gaston Gallimard qui finance ce voyage, celui-ci se transforme en tour du Monde : Birmanie, Singapour, Hongkong, Chine, Japon, Canada, et Etats-Unis. Ils rentrent en France en décembre.
1932
Mort de la Mère d'André Malraux en mars
Il rencontre Josette Clotis
Il travaille à la rédaction de La Condition humaine et s'installe au 44, rue du Bac.
1933
En mars naissance de Florence Malraux
En avril parution de La Condition humaine en volume chez Gallimard . Il obtient le prix Goncourt fin 1933.
André Malraux s'engage dans la lutte contre le fascisme. Il prend la parole lors de la première réunion de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires présidé par André Gide et prend la défense de Dimitrov, accusé de l'incendie du Reichstag.
En août, il rencontre Trotski.
Il a une brève liaison avec Louise de Vilmorin qu'il retrouvera dans les années soixante.
Il commence à partager sa vie entre Clara et Josette Clotis.
1934
En janvier, André Malraux se rend à Berlin avec André Gide pour tenter d'obtenir la libération de Dimitrov. Il participe à toutes les manifestations en faveur de sa libération.
Il se lance dans une nouvelle aventure périlleuse. En mars, il part reconnaître en avion, avec le capitaine Corniglion-Molinier, le site de Mareb, la capitale légendaire de la reine de Saba au Yémen. Ils survolent les ruines le 7 mars et, sur le chemin de retour, sont reçus par l'empereur Haïlé-Sélassié à Addis-Abeba.
De juin à septembre, Clara et André Malraux sont en Union soviétique ; il accorde des entretiens à la Pravda . Lors de ce séjour, il rencontre Staline, Gorki, Eisenstein, et Pasternak. Il assiste en août au Congrès des écrivains; il y prononce le discours L'art est une conquête. Il commence à rédiger Le Temps du Mépris.
1935
En mai , il publie Le Temps du Mépris chez Gallimard. Ce livre dédié aux victimes du nazisme, ouvre un nouveau cycle romanesque. Malraux a décidé cette fois de combattre les fascismes.
André Malraux organise, avec André Gide, le Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, au Palais de la Mutualité.
1936
En mars, il fait un bref séjour en Union soviétique et rencontre Gorki peu avant sa mort.
Dès le début de la guerre civile espagnole, il apporte on soutien aux républicains. Il participe à plusieurs combats aériens à la tête de l'escadrille España qu'il commande.
Il participe au bombardement d'une colonne nationaliste à Medellín et à la destruction d'un terrain d'atterrissage à Olmedo.
1937
En février, il participe à une dernière mission pour protéger les réfugiés de Málaga puis il rentre à Paris.
Il part aux États-Unis pour une tournée de conférences destinée à aider financièrement la République espagnole. Il se rend ainsi successivement à New York, Philadelphie, Washington, Hollywood, San Francisco, Toronto et Montréal.
Il travaille à son roman L'Espoir, qu'il terminera à l'automne.
De retour à Paris, il participe en juillet au congrès des écrivains pour la défense de la culture puis séjourne dans les Pyrénées avec Josette Clotis.
L'Espoir parait en décembre.
1938
Clara et André Malraux se séparent.
Il travaille à la préparation du film Sierra de Teruel. Il commence, fin juillet, le tournage à Barcelone. Le tournage se poursuit à Tarragone et dans la sierra de Montserrat.
1939
En janvier, l'équipe du film Sierra de Teruel doit évacuer Barcelone investie par les nationalistes. Il leur faudra terminer le tournage en France ( Joinville et Villefranche de Rouergue). Le film sera projeté trois fois pendant l'été avant d'être censuré en septembre. Il obtiendra après la guerre le prix Louis Delluc sous le titre l'Espoir.
Surpris par la déclaration de guerre, et le pacte germano-soviétique, qu'il se refuse à dénoncer, il tente en vain de s'engager dans une unité de chars.
1940
Il travaille à Mayrena second volet des Puissances du désert (dont La Voie royale constitue le premier volume) et à La Psychologie de l'art, tandis que Verve publie son Esquisse d'une psychologie du cinéma.
Il parvient enfin à s'engager dans l'armée française comme soldat de deuxième classe. En avril, il est incorporé au dépôt de cavalerie motorisée de Provins.
Il est fait prisonnier dès le mois de juin et interné dans la cathédrale de Sens.
D'août à octobre, il peut travailler à Collemiers; il sera tour à tour moissonneur, bibliothécaire, bûcheron et instituteur.
Il commence à écrire Les Noyers de l'Altenburg.
En Novembre, grâce à son demi-frère Roland, André Malraux s'évade en compagnie du poète Jean Grosjean et de Jean Beuret et arrive en zone libre. Le même jour , Josette met au monde à Neuilly, leur premier fils, Pierre-Gauthier.
La nouvelle famille va s'installer dans le midi. André Malraux reprend contact avec les écrivains installés sur la Côte d'Azur : Gide, Martin du Gard, Berl …
1941
André Malraux reste méfiant face à l'influence des communistes sur la résistance. C'est pourquoi malgré les visites de Wildé, d'Astier, Bourdet, Stéphane, Sartre et Beauvoir qui le pressent de s'engager contre l'occupant , il refuse de le faire.
André Malraux se consacre à la rédaction de deux récits Le Règne du malin et Le démon de l'Absolu , ouvrages restés inachevés et qui ne seront publiés qu'après sa mort. Il travaille également aux Noyers de l'Altenburg.
1942
Après un séjour en septembre dans l'Allier, où il prend peut-être un premier contact avec des réseaux résistants, il s'installe dans le Cantal où Josette Clotis le rejoint avec leur fils.
1943
En mars, Josette met au monde leur second fils, Vincent.
Roland , le demi-frère d'André Malraux, le présente au réseau de résistance auquel il appartient.
Parution des Noyers de l'Altenburg ( Lausanne).
André Malraux consacre la majorité de son temps à l'écriture du Démon de l'Absolu.
1944
André Malraux rentre en résistance au printemps sous le pseudonyme de colonel Berger.
Ses deux frères, Claude et Roland, résistants de la première heure, sont arrêtés. Roland  est conduit au camp de concentration de Neuengamme en Allemagne. Il meurt le 3 mai 1945 lors du naufrage du Cap Arcona.
André Malraux qui souhaite fédérer les différents maquis de Corrèze éprouve de grandes difficultés, tant auprès des résistants gaullistes que communistes (ils le considèrent comme un transfuge tardif). André Malraux ne parvient à s'imposer que dans un groupe d'Alsaciens.
En juillet, sa voiture tombe dans une embuscade à Toulouse : blessé, il est arrêté, interrogé, et transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Il ne doit sa libération, en août, qu'à un départ précipité des allemands.
En septembre il prend le commandement de la Brigade Alsace-Lorraine, et s'engage activement dans la bataille des Vosges.
Le 12 Novembre, Josette Clotis meurt accidentellement , les jambes broyées par un train.
La Brigade Alsace-Lorraine participe activement à la libération de Strasbourg.
1945
André Malraux s'installe avec sa belle-sœur Madeleine (l'épouse depuis janvier 43 de son frère Roland), le fils de Madeleine, Alain, (né en juin 44), et ses deux fils à lui, dans un appartement à Boulogne-Billancourt.
En août, André Malraux rencontre le Général de Gaulle. Il se crée une grande admiration réciproque  entre les deux hommes. Malraux accepte de devenir son conseiller technique à la culture et devient un éphémère ministre de l'Information ( novembre 1945 à janvier 1946). André Malraux confie la direction de son cabinet à Raymond Aron.
Le film Sierra de Teruel, rebaptisé Espoir, est à nouveau projeté en salle à partir d'août et reçoit le prix Louis Delluc en décembre.
1946
En janvier, son divorce avec Clara est prononcé. Fin de l'expérience ministérielle , André Malraux restera fidèle au Général de Gaulle pendant sa traversée du désert (jusqu'en 1958).
En novembre, André Malraux prononce un discours à la Sorbonne pour la naissance de l'Unesco.
1947
Un Volume de ses Romans parait dans la bibliothèque de la Pléiade.
Le Général de Gaulle crée le Rassemblement du Peuple Français (RPF) , André Malraux prend la direction du service de presse. C'est lui qui organise les interventions publiques du Général.
André Malraux prononce un discours au premier meeting du RPF au Vélodrome d'hiver en juillet.
Parution du premier volume ( il y en aura 3) de La Psychologie de l'art : Le musée imaginaire .
1948
André Malraux prononce en mars, à la salle Pleyel, une conférence: Appel aux intellectuels , qui deviendra la postface des Conquérants.
Il épouse Madeleine, la veuve de son demi-frère Roland Malraux.
Il publie le deuxième volume de La Psychologie de l'art (La Création artistique) et Les Noyers de l'Altenburg.
1949
Il collabore à la revue mensuelle du RPF, Liberté de l'esprit, dirigée par Claude Mauriac.
Il publie le troisième volume de La Psychologie de l'art (La Monnaie de l'absolu).
1950
André Malraux travaille à une seconde version de La Psychologie de l'art.
1951
André Malraux publie Les Voix du silence, nouvelle version modifiée de La Psychologie de l'art.
Il travaille à un ouvrage consacré à la sculpture.
1952
Il abandonne ses activités au sein du RPF.
Parution du premier volume du Musée imaginaire de la sculpture mondiale (La Statuaire).
Il voyage avec Madeleine en Grèce, en Égypte et en Iran.
1953
Il se consacre à la suite du Musée imaginaire,
Il collabore au Malraux par lui-même de Gaëtan Picon.
Pendant l'été, il se rend à Lucerne avec Madeleine, son épouse.
1954
André Malraux est invité à New York avec son épouse, pour l'inauguration des nouvelles galeries du Metropolitan Museum.
En été, il voyage en Italie : à Florence, en Toscane et en Ombrie.
Parution du deuxième volume du Musée imaginaire.
Il accorde plusieurs entretiens à L'Express.
1955
Parution du troisième volume du Musée imaginaire.
Il voyage avec Madeleine en Égypte.
Il travaille à la suite des Voix du silence, intitulée La Métamorphose des dieux.
1956
Discours à Stockholm pour le 350e anniversaire de la naissance de Rembrandt.
Il voyage à Rome et en Sicile avec son épouse et Alain.
Il travaille à La Métamorphose des dieux.
1957
Parution, en novembre, du premier tome de La Métamorphose des dieux.
1958
André Malraux adresse avec plusieurs écrivains (Martin du Gard, Mauriac et Sartre) une lettre au Président de la République contre la torture en Algérie.
En juin, il devient Ministre de l'Information du Général de Gaulle. En juillet, il est chargé de l'expansion et du Rayonnement de la Culture française.
Il prononce trois grands discours : en juillet (Fête Nationale), août (Anniversaire de la Libération de Paris) et septembre (Référendum sur la nouvelle constitution).
1959
Malraux devient ministre d'État chargé des affaires culturelles en janvier.
Discours à Athènes Hommage à la Grèce pour la première illumination de l'Acropole .
Tournée en Amérique du Sud en août et septembre, Malraux visite le Brésil, le Pérou, le Chili, l'Argentine et l'Uruguay.
En octobre, il assiste avec le Général de Gaulle à la première de Tête d'Or, créé par la compagnie Renaud-Barrault, au Théâtre de France.
1960.
Malraux prononce un discours à l'occasion de l'Indépendance des colonies d'Afrique noire.
Malraux rompt avec sa fille Florence, suite à la signature par celle-ci du manifeste des 121, en faveur de l'insoumission des jeunes appelés en Algérie. Ils ne se réconcilieront qu'en 1968.
Malraux voyage au Mexique, prend part à la campagne de sauvegarde des monuments de Nubie (discours à l'Unesco).
1961
Mort accidentelle de ses deux fils, Vincent et Gauthier, tués dans un accident de voiture sur une route de Bourgogne : ils ont dix-huit et vingt ans.
1962
En février, son domicile est plastiqué, sans doute par l'OAS. Malraux s'installe quelques mois plus tard avec Madeleine et Alain à Versailles.
Le 4 août est adoptée par le Parlement la loi dite loi Malraux assurant la sauvegarde des quartiers anciens et la création des maisons de la culture.
Il commande à Chagall un nouveau plafond pour l'Opéra de Paris.
1963
Malraux prononce en janvier, en présence du président Kennedy , un discours pour l'exposition de La Joconde à la National Gallery de Washington.
En septembre, il prononce l'oraison funèbre de Georges Braque.
Malraux commande le nouveau plafond de l'Odéon à André Masson.
1964
Inauguration de la Maison de la culture de Bourges par le Général de Gaulle
Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Malraux y prononce un discours resté célèbre : "Entre ici, Jean Moulin..."
1965
Fin juin, il embarque avec Albert Beuret sur Le Cambodge à destination de l'extrême-orient.
Début août, il est en Chine, où il rencontre Mao Tsé Toung.
Funérailles de Le Corbusier, il prononce son éloge funèbre dans la Cour carrée du Louvre.
1966
Malraux inaugure la maison de la culture d'Amiens en mars.
Inauguration du 1er festival mondial des arts nègres à Dakar, en compagnie de Senghor.
Il organise la rétrospective Picasso aux Grand et Petit Palais.
Madeleine et André malraux se séparent.
Pour lutter contre une profonde solitude , il se consacre complètement à la rédaction des Antimémoires.
1967
En septembre, parution des Antimémoires . Malraux multiplie les interviews.
Il travaille à la suite des Antimémoires.
Il se rapproche de Louise de Vilmorin
1968
Malraux se rend en U.R.S.S. en mars et se réconcilie avec sa fille Florence.
1969
Il prononce ses derniers discours politiques pour le Oui au référendum. Suite à la démission du Général de Gaulle, il s'installe à Verrières-le-Buisson avec Louise de Vilmorin .
Il signe aux côtés de Mauriac et de Sartre une pétition en faveur de Régis Debray, détenu en Bolivie.
Il rend une dernière visite à Colombey au Général de Gaulle, qui mourra l'année suivante.
Mort de Louise de Vilmorin.
1970
Il travaille à la rédaction des Chênes qu'on abat...
Malraux préface les Poèmes de Louise de Vilmorin.
Mort du Général de Gaulle.
1971
Parution de : Les Chênes qu'on abat...
1972
En février., Malraux est invité par Richard Nixon à Washington qui le consulte avant de se rendre en Chine.
En avril diffusion de la première série d'émissions La légende du siècle (réalisées par Françoise Verny et Claude Santelli).
Début novembre, Malraux est victime d'un grave malaise. Il est hospitalisé à la Salpêtrière.
1973
En avril , Malraux se rend au Bangladesh en compagnie de Sophie de Vilmorin.
1974
Parution de La tête d'obsidienne.
Malraux soutient la candidature de Jacques Chaban-Delmas aux élections présidentielles.
Il séjourne au Japon et à New Delhi avec Sophie de Vilmorin. Parution de L'Irréel, seconde partie de La Métamorphose des dieux, et de Lazare ( méditation sur la vie et la mort suite au grave malaise dont il fut victime en novembre 1972).
1975
Il inaugure en janvier le centre culturel André-Malraux à Verrières-le-Buisson.
En mai, il prononce un discours à la Cathédrale de Chartres pour le trentième anniversaire de la libération des camps de concentration.
Parution de Hôtes de passage en octobre.
1976
Parution de L'Intemporel, tome II de La Métamorphose des dieux .
En octobre, les Antimémoires et leurs suites entrent dans la bibliothèque de la Pléiade sous le titre Le Miroir des limbes.
En novembre, il est victime d'une congestion pulmonaire. Il est hospitalisé à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Il y meurt le 23 novembre. Il est inhumé le 24 Novembre à Verrières-le-Buisson.
Le 27, il reçoit un hommage national dans la cour carrée du Louvre.
1977.
Parution posthume de L'homme précaire et la littérature.
Parution de la version définitive du premier volume de La Métamorphose des dieux : Le Surnaturel.
1996
23 Novembre, 20 ans après sa mort, transfert de ses cendres au Panthéon.

Sources bibliographiques :

Malraux, par Jean-Claude Larrat,   Balises, Nathan
Dictionnaire de la Littérature française du XXème siècle (Albin Michel, Encyclopaedia Universalis)
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française
La Littérature du XXème Siècle ( Nathan, Collection Henri Mitterand)

Principales oeuvres d'André Malraux

1921
Lunes en papier
1926
La Tentation de l'Occident
1927
D'une jeunesse européenne
1928
Les Conquérants
Le royaume farfelu
1930
La Voie Royale
1933
La Condition Humaine
1935
Le Temps du mépris
1937
L'Espoir
1943
Les Noyers de l'Altenburg
1947-49
Psychologie de l'Art
1951
Les Voix du Silence
1952-56
Le Musée Imaginaire de la sculpture mondiale
1957-76
La Métamorphose des Dieux
1967
Le Miroir des Limbes : tome 1, les Antimémoires
1971
Des Chênes qu'on abat
1976
Le Miroir des Limbes : tome II, la Corde et les Souris


La Condition humaine d'André Malraux


Résumé de la Condition humaine

Ce roman d’André Malraux (1901-1976) a été publié en extraits dans la Nouvelle Revue française et dans Marianne, et en volume chez Gallimard en 1933. Il a obtenu le Prix Goncourt.

Contexte historique

En mars 1927, l'Armée révolutionnaire du Kuomintang sous le commandement de Tchang Kaï-Chek est en marche vers Shanghai. Afin de faciliter la prise de la ville, dont le port représente un important point stratégique, les cellules communistes de la ville préparent le soulèvement des ouvriers locaux. Mais inquiet de la puissance de ces derniers et gêné dans sa quête de pouvoir personnelle, Tchang Kaï-Chek se retourne contre les communistes. Aidé en cela par les Occidentaux occupant les concessions, qui espèrent l'éclatement du Kuomintang, et les milieux d'affaires chinois, il fait assassiner le 12 avril 1927 des milliers d'ouvriers et dirigeants communistes par la Bande Verte, une société criminelle secrète.

Première partie (21 mars)

La préparation de l’insurrection.  Tchen poignarde un trafiquant d’armes et parvient ainsi à s’emparer de ses papiers qui permettront à Kyo et à Katow, ses compagnons, de s’emparer de la cargaison d’armes d’un bateau ancré dans le port. Pour réussir cette opération, les deux révolutionnaires vont bénéficier de la complicité du baron de Clappique. Les armes sont ensuite distribuées à l’ensemble des combattants clandestins cachés à travers la ville.  Kyo mène l’inspection de combattants clandestins. Il s’aperçoit en écoutant  un message enregistré , que sa propre voix lui parait étrangère. Cette première partie permet également de présenter les principaux protagonistes : Kyo et sa compagne May, Tchen et son maître à penser Gisors, qui est aussi  le père de Kyo. Après son meurtre, Tchen vient se confier à Gisors : il se sent séparé du monde des hommes  et avoue sa fascination pour « le sang ». Gisors est partagé entre la compréhension inquiète de ses «  deux fils » et la fuite dans l’opium qui lui permet de se réconcilier avec lui même.

Deuxième partie (22 mars)

C’est le jour de l’insurrection. Les troupes du général Tchang Kaï-chek sont sur le point d'entrer à Shanghai. Ferral, le président de la chambre de commerce française , étudie avec les autorités locales chinoises les chances de succès de l’insurrection. Finalement il persuade les milieux d’affaires de soutenir Tchang Kaï-chek. Ferral va rejoindre ensuite Valérie, sa maîtresse. Celle-ci  subit douloureusement la relation érotique humiliante qu’il lui impose.
Les combats sont très violents . L’insurrection est victorieuse, mais Tchang Kaï-chek s'oppose aux révolutionnaires et préfère pactiser avec les forces modérées: il exige des insurgés qu'ils rendent les armes. Les insurgés s’inquiètent de l’attitude attentiste du Kouo-Min-Tang . Kyo décide  d‘en savoir plus et s’en va demander des explications à Han-k’eou.

Troisième partie (29 mars)

 Kyo s’est rendu à Han-k’eou, où se trouve la délégation de l’Internationale communiste dont le délégué est Vologuine. Il souhaite demander au Kominterm l'autorisation de résister au général et de garder les armes . Il prend conscience que les communistes sont beaucoup moins forts que ce que l’on espérait à Shanghai.  Vologuine lui indique que la tactique de Moscou est, pour le moment, de laisser faire. Tchen vient lui aussi  à Han-k’eou et rencontre Kyo. Tchen ne voit comme seule solution que l’assassinat de Tchang Kaï-chek dont il est prêt à se charger. L’Internationale communiste désapprouve cette démarche mais les laisse partir.  Kyo et Tchen rentrent séparément à Shanghai.

Quatrième partie (11 avril)

A Shanghai la répression bat son plein. Impliqué dans l’affaire de la cargaison d’armes, Clappique est averti par le chef de la police. Il lui conseille de quitter la ville. Clappique essaye de prévenir Kyo que la police a décidé de l’arrêter. Clappique se rend chez Kyo, mais celui-ci étant absent,  il demande à Gisors de l’informer et lui donne rendez-vous dans un bar de la ville. Tchen, avec deux complices organise sans succès un premier attentat contre Tchang Kaï-chek. Il se cache ensuite chez son compagnon Hemmelrich et décide que la prochaine fois, il tentera sa chance , seul. Ferral prend conscience que la décision de Tchang Kaï-chek d’écraser l’insurrection peut servir ses propres intérêts. Il se rend , radieux à un rendez vous avec Valérie. Mais les deux amants se disputent et Valérie le ridiculise. Ferral vient alors chercher du réconfort auprès de Gisors. Il prend conscience de sa solitude et de la vacuité de ses rêves de puissance , mais n’y renonce pas pour autant.
 Kyo  se rend au rendez-vous de Clappique. May, sa compagne, souhaite l’accompagner. Tchen décide de se jeter avec sa bombe sur la voiture de Tchang Kaï-chek . Geste vain car le général n’est pas dans sa  voiture.

Cinquième partie

Clappique n’est pas à l’heure au rendez-vous. Kyo et May se font arrêtés . Kyo est jeté en prison. Apprenant qu’un nouvel attentat a été organisé contre Tchang Kaï-chek , Hemmelrich se rend à la permanence communiste pour avoir des nouvelles de Tchen. Lorsqu’il rentre chez lui, il découvre que sa femme et son enfant ont été assassinés dans des conditions horribles. Il décide alors de participer avec Katow à un ultime combat contre Tchang Kaï-chek. Il parvient à s’enfuir de justesse. Gisors obtient de Clappique qu’il intercède auprès du chef de police, auquel il a un jour sauvé la vie,  pour obtenir la libération de Kyo. Cette démarche ne fait qu’aggraver la situation de Kyo.

Sixième partie

Kyo est jeté dans une prison répugnante. Il comparait devant König, le chef de police qui a refusé sa libération. Ce dernier veut absolument faire perdre à Kyo sa dignité : où il trahit les siens, où il sera livré à la torture . Kyo refuse de collaborer et rejoint sous le préau, ses camarades communistes qui attendent d’être brûlés vifs dans la chaudière d’une locomotive. Kyo retrouve Katow. Kyo évite le supplice en se suicidant avec le cyanure qu’il dissimulait sur lui. Katow, lui , donne son cyanure à deux jeunes chinois complètement terrorisés par le sort qui les attend et marche, plein de dignité, vers le supplice . Clappique parvient à se déguiser en marin et à s’embarquer sur un bateau en partance pour la France.

Septième partie

A Paris, Ferral a une réunion au Ministère des Finances mais ne parvient pas à sauver le consortium qu’il dirigeait en Chine. A Kobé, au Japon, chez le peintre Kama, May vient retrouver Gisors. Gisors cherche la paix dans l’opium et dans la méditation. May, elle, malgré sa solitude et son désarroi, souhaite reprendre le combat révolutionnaire.

 « Ce roman réunit tous les thèmes du premier Malraux. Chacun de ses personnages incarne une attitude devant la vie et l'action. Mais tous assument leur condition humaine dans ce qu'elle a à la fois de vil et de sublime, c'est-à-dire de contradictoire. Tous vivent ce que l'auteur a appelé lui-même «une aventure tragique» et qui pourrait définir l'ensemble de son œuvre ».

Source bibliographique
La Condition humaine d'André Malraux
Kléber Haedens  Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions larousse)

Incipit
 
"21 mars 1927. Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même - de la chair d'homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle d'électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l'un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! 

La vague de vacarme retomba : quel embarras de voitures (il y avait encore des embarras de voitures, là-bas, dans le monde des hommes...). Il se retrouva en face de la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit où le temps n'existait plus. Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement : car il savait qu'il le tuerait. Pris ou non, peu importait. Rien n'existait que ce pied, cet homme qu'il devait frapper sans qu'il se défendît - car, s'il se défendait, il appellerait.

Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu’à la nausée, non le combattant qu’il attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu’il avait choisis : sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeur auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté. « Assassiner n’est pas seulement tuer… » Dans ses poches, ses mains hésitantes tenaient, la droite un rasoir fermé, la gauche un court poignard. Il les enfonçait le plus possible, comme si la nuit n’eût pas suffi à cacher ses gestes. Le rasoir était plus sûr, mais Tchen sentait qu’il ne pourrait jamais s’en servir ; le poignard lui répugnait moins. Il lâcha le rasoir dont le dos pénétrait dans ses doigts crispés ; le poignard était nu dans sa poche, sans gaine. Il le fit passer dans sa main droite, la gauche retombant sur la laine de son chandail et y restant collée. Il éleva légèrement le bras droit, stupéfait du silence qui continuait à l’entourer, comme si son geste eût dû déclencher quelque chute. Mais non, il ne se passait rien : c’était toujours à lui d’agir.
 

Ce pied vivait comme un animal endormi. Terminait-il un corps ? « Est-ce que je deviens imbécile ? »

Ainsi commence La Condition humaine, roman composé en sept parties.



Plan détaillé du commentaire de l’incipit de La Condition humaine

Introduction

·    En 1933, André Malraux fait paraître La Condition humaine. Ce roman historique, dont l’action se situe en 1927 dans la Chine de Tchang Kaï- Chek, obtient un très gros succès et se voit décerner le prix Goncourt.
·    Le récit s’ouvre sur une scène dramatique : Tchen, un jeune communiste, est sur le point de tuer dans son sommeil un trafiquant d’armes afin de récupérer un ordre de vente qui permettrait à ses camarades de s’approvisionner en armes. L’intérêt de ce texte réside dans le drame intérieur qui se joue au cœur de cette scène très tendue.
·    Aussi peut-on s’intéresser au caractère très cinématographique d’une ouverture de roman qui n’a d’autre fonction que de mettre en scène l’angoisse que ressent le jeune révolutionnaire.

1.   Une ouverture cinématographique

1.1 La dramatisation de la scène

·    « Une scène à faire », de l’aveu même de Malraux, d’après le manuscrit du roman. Un des temps forts de l’œuvre : tout concourt dans cet incipit à créer une atmosphère tendue, mystérieuse, angoissante qui rappelle celle des films en noir et blanc des années 30-50 comme La Dame de Shanghaï d’Orson Welles qui commence par une agression nocturne dans un parc ou bien Citizen Kane qui s’ouvre sur la mort d’un homme solitaire, et d’abord les films sombres de Murnau, Faust et Nosferatu ou de Fritz Lang tels Le docteur Mabuse ou M. le maudit.
·    L’entrée se fait « in medias res » : le lecteur est plongé au cœur de l’action, du drame,  par deux verbes d’action « lever «  et « frapperait » (l.1), et même dans l’intériorité du personnage nommé Tchen sans informations ni explications préliminaires sur les circonstances, le mobile de l’acte, sans présentation du personnage. Malraux transgresse là le protocole d’ouverture des œuvres romanesques écrites à la manière de Balzac. La future victime désignée deux fois par « cet homme » (l. 15 et 17), reste anonyme : réduite à un corps immobile, et par une synecdoque, à un pied (l.5, 8 et 16) conformément aux limites de la perception de Tchen, donc en grande partie invisible (comparaison l. 4-5), elle est identifiée seulement comme ennemie de la révolution. A ce stade, le meurtre en soi importe plus que le mobile ou la victime.
·    Le temps semble arrêté, comme suspendu, alors que l’action devrait être minutée comme le suggèrent les indications précises au- dessus du texte dans le style d’un reportage. Paradoxalement, l’action reste en suspens et l’acte est différé. Ainsi s’instaure une tension entre d’une part, des indications ponctuelles, une date et une heure précise, « minuit et demi » et d’autre part, des imparfaits dans le récit qui inscrivent l’action dans une durée pesante. Les quelques passés simples (l.11, 13, 30) ne parviennent pas à remettre en mouvement le récit ; au contraire, ils soulignent par contraste son immobilisation. On a une sorte d’arrêt sur image : un homme brandissant un couteau au- dessus d’un lit…. L’attente du lecteur devient pénible, son impatience est exacerbée. Dès ce moment se cristallise la disjonction entre le temps objectif de l’histoire, « 21 mars 1927 » à « Minuit et demi » et le temps subjectif, celui que perçoit Tchen. Pour lui,  le temps s’est un moment arrêté « dans cette nuit où le temps n’existait plus. » (l.14)

1.2 L’importance de la mise en scène et la charge symbolique du décor

·    Le cadre de l’action n’est pas vraiment décrit : pas de plan d’ensemble de la chambre, peu de détails. Le cadre, nous le découvrons à travers quelques plans qui épousent le champ de vision (nécessairement limité) de Tchen, selon l’échelle suivante : plan moyen du lit sur lequel tombe la moustiquaire, masse lumineuse et confuse (« tas de mousseline blanche »), plan plus rapproché, voire gros plan du pied (noté trois fois) sur lequel est fixé le regard de Tchen et qui est mis en relief par la lumière qui l’éclaire  par-dessous. Le complément « comme pour en accentuer le volume et la vie » fait songer à une consigne inscrite dans un scénario. La profondeur du champ est aussi étudié : en arrière- plan, on devine l’univers urbain, identifiable grâce à divers indices visuels et auditifs : la lumière émanant du « building voisin » (l.6), « le rectangle d’électricité pâle » (l.7), les coups de klaxon (l.9), le « vacarme » puis les bruits lointains des « embarras de voitures » (l.11-12).
·    Les jeux d’ombre et de lumière semblent réglés comme dans un film des années 30. Ils sont appropriés à la nature de l’acte en cours : un meurtre, acte illicite, ne peut qu’être commis dans la pénombre, loin du regard des hommes. Le meurtrier reste dans l’ombre, la victime aussi. De même l’intensité décroissante des sons évoquée à l’aide d’images -klaxons déchirant le silence nocturne comme le suggère l’emploi métaphorique du verbe « grincer », puis « vacarme retomba[nt] » assimilé à un « vague », montre que Tchen s’éloigne peu à peu du monde des vivants et s’enferme dans son monde intérieur. Les bruits soulignent par contraste le silence de la chambre avant de s’estomper et de disparaître.
·    Le décor est symbolique : La seule source de lumière vient de la ville, espace vivant, animé, par opposition à la chambre obscure où rien ne bouge ; Tchen a fait de cette chambre anodine un lieu clos voué à la mort. Le rectangle blanc coupé par les barreaux de la fenêtre, c’est la prison dans laquelle Tchen va mentalement s’enfermer. Tchen est encore à la frontière entre deux mondes, celui de la lumière symbolisant le monde des vivants et celui de la nuit évoquant la mort.

Tr. En fait, l’atmosphère oppressante créée par la mise en scène est en accord avec l’état psychologique du personnage. Elle est le révélateur d’un drame intérieur.

2.   La primauté du drame intérieur

2.1 Un novice placé dans une situation- limite

·    Le drame intérieur du personnage, nous le découvrons d’emblée grâce au narrateur omniscient qui nous permet d’entrer dans la conscience du personnage. Au moyen d’un monologue intérieur, il nous livre ses pensées les plus secrètes, la voix du narrateur se mêlant à celle de son personnage, à travers des phrases de types variés : interrogatives (l.1, 9), exclamatives (l.10) et déclaratives (l.15-16) ; leur brièveté traduit l’angoisse du héros. Tchen affronte une situation imprévue et inédite et se découvre à cette occasion.
·    Tchen paraît hésitant : la double interrogation initiale et l’analyse du narrateur (l.1-4) semblent l’indiquer. Le motif de son hésitation tient à la manière d’exécuter le meurtre (l.25-26). Sa motivation n’est pas en cause car c’est un militant déterminé, lucide et convaincu de la nécessité de son acte. Les modalités de la certitude et du devoir sont très présentes dans  son discours intérieur : « cet homme devait mourir », « il savait qu’il le tuerait », « cet homme qu’il devait frapper… ».Par ailleurs l’emploi d’un vocabulaire religieux, « sacrificateur », « sacrifice », « dieux » (l.20-21) suggère qu’il s’est mis entièrement au service d’une cause qui le dépasse, pour laquelle il est prêt à mourir lui-même et qui se trouve ainsi sacralisée.
·    Son hésitation s’explique par le fait que Tchen n’est pas un tueur professionnel. Tchen est un novice, un révolutionnaire néophyte qui fait l’apprentissage de l’action. Plus loin, dans le roman, le premier meurtre sera assimilé à un dépucelage. Son hésitation s’explique aussi par le fait que Tchen avait imaginé un autre scénario : une victime qui résiste. Agir comme un prêtre- sacrificateur et non comme un combattant, c’est se comporter comme un lâche, d’où son malaise et même sa rage traduite par la phrase exclamative : « Combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! ». Cette situation exceptionnelle va lui permettre de découvrir les profondeurs de son être.

2.2 La découverte de soi

·    Tchen éprouve, face au dormeur deux sentiments contradictoires : de la fascination, mais aussi de la répulsion. Il est « fasciné par [le] tas de mousseline blanche » qui le plonge dans un état d’  « hébétude » (l.3). En réalité, il est fasciné par la pensée de la mort, par son pouvoir de destruction. C’est déjà « l’extase par le bas » dont  il parlera à son ami Kyo. Mais il éprouve aussi une sorte de répugnance, exprimée par le mot « nausée », à l’idée d’entrer dans le domaine de l’interdit absolu, le meurtre étant en contradiction avec les principes chrétiens que lui a inculqués le pasteur Smithson.
·    Il éprouve surtout une angoisse profonde quand il prend conscience qu’  « assassiner, ce n’est pas seulement tuer… » (l.23). Il découvre qu’un assassinat  n’est pas seulement un acte physique qui fait passer la victime de vie à trépas, mais un acte qui engage le meurtrier lui-même et qui révèle les profondeurs insondables de l’inconscient, du psychisme humain. Tchen sera d’ailleurs incapable de faire partager aux autres ce qu’il aura ressenti. Il restera seul, muré dans son angoisse.

Conclusion

·    Malgré l’intérêt que Malraux attache à la création d’une atmosphère angoissante, c’est avant tout l’homme qui l’intéresse dans la mesure où il peut incarner une interrogation universelle.
·    Tchen, écartelé entre deux cultures car ce marxiste a été élevé dans la foi chrétienne, est à la recherche de lui-même. Sa fascination pour la mort va s’affirmer au point qu’il verra dans l’autodestruction le seul moyen d’accomplissement de son être.

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