Gustave Doré

Gustave Doré
"Personne ne parle le francophone, ni n'écrit en francophone. La francophonie est de la lumière d'étoile morte. Comment le monde pourrait-il se sentir concerné par la langue d'un pays virtuel ?" Manifeste pour une littérature-monde, 2007

sábado, 29 de septiembre de 2012

ALBERT CAMUS- LA PESTE


Albert Camus

Description de cette image, également commentée ci-après
Nom de naissance Albert Camus
Activités Philosophe, romancier, dramaturge, essayiste, nouvelliste
Naissance 7 novembre 1913
Mondovi
(Dréan), Drapeau : France Algérie française
Décès 4 janvier 1960 (à 46 ans)
Villeblevin
, (Yonne) Drapeau de France France
Genres Roman, théâtre, essai, nouvelle
Distinctions Prix Nobel de littérature en 1957
Œuvres principales
Compléments
Albert Camus, né le 7 novembre 1913 à Mondovi, à proximité de Bône (actuellement Annaba), dans le département de Constantine (depuis 1962, Dréan dans la willaya d'El Taref), en Algérie, et mort le 4 janvier 1960 à Villeblevin, dans l'Yonne, est un écrivain, philosophe, romancier, dramaturge, essayiste et nouvelliste français. Il fut aussi un journaliste militant engagé dans la Résistance française et dans les combats moraux de l'après-guerre.
L'œuvre de Camus comprend des pièces de théâtre, des romans, des nouvelles, des films, des poèmes et des essais dans lesquels il développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l'absurdité de la condition humaine mais aussi sur la révolte comme réponse à l'absurde, révolte qui conduit à l'action et donne un sens au monde et à l'existence, et « alors naît la joie étrange qui aide à vivre et mourir ».
Sa critique du totalitarisme soviétique lui vaut les anathèmes des communistes et conduit à la brouille avec Jean-Paul Sartre. Il reçoit le Prix Nobel de littérature en 1957, sa réputation et son influence restent grandes dans le monde.
Selon Bertrand Poirot-Delpech, les essais sur son œuvre ont abondé juste après sa mort, tandis qu'on rendait très peu compte de sa vie. Les premières biographies ne sont apparues que dix-huit ans après sa mort. Parmi celles-ci, la plus impressionnante est celle de Herbert R. Lottman, un journaliste américain observateur de la littérature européenne pour The New York Times et le Publishers Weekly.
Dans le journal Combat, ses prises de position sont courageuses autant que déconcertantes, aussi bien sur la question de l'Algérie que sur ses rapports avec le Parti communiste qu'il quitte après un court passage de deux ans. Camus est d'abord témoin de son temps, intransigeant, refusant toute compromission. Il est ainsi amené à s'opposer à Sartre et à se brouiller avec d'anciens amis. D'après Herbert R. Lottman, Camus n'appartient à aucune famille politique déterminée, mais on sait tout de même qu'il fut adhérent au Parti communiste algérien pendant deux ans. Il ne s'est cependant dérobé devant aucun combat : il a successivement protesté contre les inégalités qui frappaient les musulmans d'Afrique du Nord, puis contre la caricature du pied-noir exploiteur. Il est allé au secours des espagnols exilés antifascistes, des victimes du stalinisme, des objecteurs de conscience.

Biographie

Origines et enfance

Lucien Auguste Camus, père d'Albert, est né le 28 novembre 1885 à Ouled-Fayet dans le département d'Alger, en Algérie. Il descend des premiers arrivants français dans cette colonie annexée à la France en 1834 et départementalisée en 1848. Un grand-père, Claude Camus, né en 1809, venait du bordelais, un bisaïeul, Mathieu Juste Cormery, d'Ardèche, mais la famille se croit d'origine alsacienne. Lucien Camus travaille comme caviste dans un domaine viticole, nommé « le Chapeau du gendarme », près de Dréan, à quelques kilomètres au sud de Bône (Annaba) dans le département de Constantine, pour un négociant de vin d'Alger. Il épouse le 13 novembre 1909 à Alger (acte de mariage no 932) Catherine Hélène Sintès, née à Birkadem le 5 novembre 1882, dont la famille est originaire de Minorque en Espagne. Trois ans plus tard, en 1911, naît leur fils aîné Lucien Jean Étienne et en novembre 1913, leur second fils, Albert. Lucien Auguste Camus est mobilisé comme 2e classe dans le 1er régiment de zouaves en septembre 1914. Blessé à la bataille de la Marne il est évacué le 11 octobre à l'hôpital militaire de Saint-Brieuc dans les Côtes-du-Nord où il meurt le 17 octobre 1914. De son père, Camus ne connaîtra que quelques photographies et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale. Sa mère est en partie sourde et ne sait ni lire ni écrire : elle ne comprend un interlocuteur qu'en lisant sur ses lèvres. Avant même le départ de son mari à l'armée elle s'était installée avec ses enfants chez sa mère et ses deux frères, Étienne, sourd-muet, qui travaille comme tonnelier, et Joseph, rue de Lyon à Belcourt, un quartier populaire d'Alger1. Elle y connaît une brève liaison à laquelle s'oppose son frère Étienne.
« Il y avait une fois une femme que la mort de son mari avait rendue pauvre avec deux enfants. Elle avait vécu chez sa mère, également pauvre, avec un frère infirme qui était ouvrier. Elle avait travaillé pour vivre, fait des ménages, et avait remis l'éducation de ses enfants dans les mains de sa mère. Rude, orgueilleuse, dominatrice, celle-ci les éleva à la dure », écrira Camus dans un brouillon de « L'Envers et l'endroit ».
Albert Camus est également influencé par son oncle Gustave Acault chez lequel le jeune Albert effectue de longs séjours. Anarchiste l’oncle Acault est aussi voltairien. De plus, il fréquente les loges des francs-maçons. Boucher de métier, Gustave Acault, est un homme cultivé. Il aide Albert Camus à subvenir à ses besoins et lui fournit une bibliothèque riche et éclectique.

Formation

Albert Camus fait ses études à Alger. À l'école communale, il est remarqué en 1923 par son instituteur, Louis Germain, qui lui donne des leçons gratuites et l'inscrit en 1924 sur la liste des candidats aux bourses, malgré la défiance de sa grand-mère qui souhaitait qu'il gagnât sa vie au plus tôt. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, où est mort le père du futur philosophe, Louis Germain lit à ses élèves Les Croix de Bois de Roland Dorgelès, dont les extraits émeuvent beaucoup le petit Albert, qui y découvre l'horreur de la guerre. Camus gardera une grande reconnaissance à Louis Germain et lui dédiera son discours de prix Nobel. Reçu au lycée Bugeaud (désormais lycée Émir Abd-el-Kader), Albert Camus y est demi-pensionnaire. « J'avais honte de ma pauvreté et de ma famille (...) Auparavant, tout le monde était comme moi et la pauvreté me paraissait l'air même de ce monde. Au lycée, je connus la comparaison », se souviendra-t-il. Il commence à cette époque à pratiquer le football et se fait une réputation de gardien de but. Il découvre également la philosophie. Mais, à la suite d'inquiétants crachements de sang, les médecins diagnostiquent en 1930 une tuberculose et il doit faire un bref séjour à l'hôpital Mustapha. C'est la fin de sa carrière de foot, et il ne peut plus qu'étudier à temps partiel. Son oncle, voltairien et anarchiste, et sa tante Acault, qui tiennent une boucherie dans la rue Michelet, l'hébergent ensuite, rue du Languedoc, où il peut disposer d'une chambre. Camus est ensuite encouragé par Jean Grenier - qui lui fera découvrir Nietzsche. Il resta toujours fidèle au milieu ouvrier et pauvre qui fut longtemps le sien, et son œuvre accorde une réelle place aux travailleurs et à leurs tourments.

Stèle à la mémoire d'Albert Camus érigée en 1961 et gravée par Louis Bénisti face au mont Chenoua à Tipasa près d'Alger : « Je comprends ici ce qu'on appelle gloire le droit d'aimer sans mesure. » (Extrait de l’essai d’Albert Camus, "Noces à Tipaza")

Débuts littéraires

En juin 1934, il épouse Simone Hié, enlevée à son ami Max-Pol Fouchet : « J'ai envie de me marier, de me suicider, ou de m'abonner à L'Illustration. Un geste désespéré, quoi... ». En 1935, il commence l'écriture de L'Envers et l'Endroit, qui sera publié deux ans plus tard par Edmond Charlot dans la librairie duquel se retrouvent les jeunes écrivains algérois, tel Max-Pol Fouchet. Cette même année, il décide de rejoindre le Parti Communiste Français. À Alger, il fonde le Théâtre du Travail, qu'il remplace en 1937 par le Théâtre de l'Équipe, où la première pièce jouée est une adaptation du roman de Malraux dont les répétitions lui donnent l'occasion de nouer une amitié avec Emmanuel Roblès. Dans le même temps il quitte le Parti communiste, auquel il avait adhéré deux ans plus tôt. Il entre au journal créé par Pascal Pia, Alger Républicain, organe du Front populaire, où il devient rédacteur en chef. Son enquête Misère de la Kabylie aura un écho retentissant20. En 1940, le Gouvernement général de l'Algérie interdit le journal. Cette même année, il se marie à Francine Faure. Ils s'installent à Paris où Camus travaille comme secrétaire de rédaction à Paris-Soir sous l'égide de Pascal Pia. Il fonde aussi la revue Rivage et fait la connaissance de Malraux. Durant cette période, il fait paraître le roman L'Étranger (1942) qui est publié par Gallimard sur l'instance de Malraux et l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942) dans lesquels il expose sa philosophie. Selon sa propre classification, ces œuvres appartiennent au « cycle de l'absurde » – cycle qu'il complétera par les pièces de théâtre Le Malentendu et Caligula (1944). En 1943, il est lecteur chez Gallimard et prend la direction de Combat lorsque Pascal Pia est appelé à d'autres fonctions dans la Résistance. En 1944, il rencontre André Gide et un peu plus tard Jean-Paul Sartre, avec qui il se lie d'amitié. Le 8 août 1945, il est le seul intellectuel occidental à dénoncer l'usage de la bombe atomique deux jours après le bombardement d'Hiroshima dans un éditorial resté célèbre, dans Combat21. En 1945, à l'initiative de François Mauriac, il signe une pétition, afin de demander au général de Gaulle la grâce de Robert Brasillach, personnalité intellectuelle connue pour son activité collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1946, Camus se lie d'amitié avec René Char. Il part la même année aux États-Unis et, de retour en France, il publie une série d'articles contre l'expansionnisme soviétique : coup d'État de Prague et anathème contre Tito (1948). En 1947, c'est le succès littéraire avec le roman La Peste, suivi deux ans plus tard, en 1949, par la pièce de théâtre Les Justes.
En 1957, alors âgé de 44 ans, Camus reçoit le prix Nobel de littérature pour « l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes. »

Engagement politique et littéraire

En octobre 1951, la publication de L'homme révolté provoque de violentes polémiques où Camus est attaqué à sa gauche. La rupture avec Jean-Paul Sartre a lieu en 1952, après la publication dans Les Temps modernes de l'article de Jeanson qui reproche à la révolte de Camus d'être « délibérément statique ». En 1954, Camus s'installe dans son appartement parisien du 4, rue de Chanaleilles. dans le même immeuble et durant la même période, habitait René Char, poète et résistant français. En 1956, à Alger, il lance son « Appel pour la trêve civile », tandis que dehors sont proférées à son encontre des menaces de mort. Son plaidoyer pacifique pour une solution équitable du conflit est alors très mal compris, ce qui lui vaudra de rester méconnu de son vivant par ses compatriotes pieds-noirs en Algérie puis, après l'indépendance, par les Algériens qui lui ont reproché de ne pas avoir milité pour cette indépendance. Haï par les défenseurs du colonialisme français, il sera forcé de partir d'Alger sous protection. Toujours en 1956, il publie La Chute, livre pessimiste dans lequel il s'en prend à l'existentialisme sans pour autant s'épargner lui-même. Il démissionne de l'Unesco pour protester contre l'admission de l'Espagne franquiste. C'est un an plus tard, en 1957, qu'il reçoit le prix Nobel de littérature. Interrogé à Stockholm par un étudiant musulman originaire d'Algérie, sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance menée par le F.L.N. en dépit des attentats terroristes frappant les populations civiles, il répond clairement : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.» Cette phrase, souvent déformée, lui sera souvent reprochée. Il suffit pourtant de rappeler d'une part que Camus vénérait sa mère, d'autre part que celle-ci vivait alors à Alger dans un quartier très populaire particulièrement exposé aux risques d'attentats.
Albert Camus était contre l'indépendance de l'Algérie et écrivit en 1958 dans la dernière de ses Chroniques Algériennes que « l'indépendance nationale [de l'Algérie] est une formule purement passionnelle ». Il dénonça néanmoins l'injustice faite aux musulmans et la caricature du pied noir exploiteur, et disait souhaiter la fin du système colonial mais avec une Algérie toujours française, proposition qui peut paraître contradictoire.
Pour ce qui est du communisme, il proteste contre la répression sanglante des révoltes de Berlin-Est (juin 1953) et contre l'expansionnisme communiste à Budapest (septembre 1956).

Décès

Le 4 janvier 1960, en revenant de Lourmarin (Vaucluse), par la Nationale 6 (trajet de Lyon à Paris), au lieu-dit Le Petit-Villeblevin, dans l’Yonne, Albert Camus trouve la mort dans un accident de voiture à bord d'une Facel-Vega FV3B conduite par son ami Michel Gallimard, le neveu de l'éditeur Gaston, qui perd également la vie. La voiture quitte la route et percute un premier arbre puis s'enroule autour d'un second, parmi la rangée qui la borde. Les journaux de l'époque évoquent une vitesse excessive (180 km/h), un malaise du conducteur, ou plus vraisemblablement, l'éclatement d'un pneu. L'écrivain René Étiemble déclara : « J'ai longtemps enquêté et j'avais les preuves que cette Facel Vega était un cercueil. J'ai cherché en vain un journal qui veuille publier mon article... »

Monument en hommage à Albert Camus dans la petite ville de Villeblevin, commune où il est décédé d'un accident de voiture le 4 janvier 1960

La plaque de bronze sur le même monument
Albert Camus est enterré à Lourmarin, village du Luberon - où il avait acheté une propriété grâce à son prix Nobel - et région que lui avait fait découvrir son ami le poète René Char.
En marge des courants philosophiques, Albert Camus s'est opposé au marxisme et à l'existentialisme. Il n'a cessé de lutter contre toutes les idéologies et les abstractions qui détournent de l'humain. En ce sens, il incarne une des plus hautes consciences morales du XXe siècle - l'humanisme de ses écrits ayant été forgé dans l'expérience des pires moments de l'espèce humaine.
Depuis le 15 novembre 2000, les archives de l'auteur sont déposées à la bibliothèque Méjanes (Aix-en-Provence), dont le centre de documentation Albert Camus assure la gestion et la valorisation.
Le 19 novembre 2009, le quotidien Le Monde affirme que le président Nicolas Sarkozy envisage de faire transférer les restes d'Albert Camus au Panthéon. Dès le lendemain, son fils, Jean Camus, s'oppose à ce transfert, craignant une récupération politique. Sa fille, Catherine Camus, ne se prononce pas.

Philosophie

Une question, l'absurde

« L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde ». Dans cette phrase est concentrée la puissance d'un conflit, d'une confrontation qui supporte et emporte l'œuvre de Camus. Deux forces qui s'opposent : l'appel humain à connaître sa raison d'être et l'absence de réponse du milieu où il se trouve. L'homme vivant dans un monde dont il ne comprend pas le sens, dont il ignore tout, jusqu'à sa raison d'être.
L'appel humain, c'est la quête d'une cohérence, or pour Camus il n'y a pas de réponse à ce questionnement sur le sens de la vie. Tout au moins n'y a-t-il pas de réponse satisfaisante, car la seule qui pourrait satisfaire l'écrivain devrait avoir une dimension humaine : « Je ne puis comprendre qu'en termes humains ». Ainsi les religions qui définissent nos origines, qui créent du sens, qui posent un cadre, n'offrent pas de réponse pour l'homme absurde : « Je ne sais pas si ce monde a un sens qui le dépasse. Mais je sais que je ne connais pas ce sens et qu'il m'est impossible pour le moment de le connaître. Que signifie pour moi une signification hors de ma condition ?  ». L'homme absurde n'accepte pas de perspectives divines, il veut des réponses humaines.

Sisyphe, par Franz von Stuck, 1920

L'absurde n'est pas un savoir, c'est un état acquis par la confrontation consciente de deux forces. Maintenir cet état demande une lucidité et nécessite un travail, l'absurde c'est la conscience toujours maintenue d'une « fracture entre le monde et mon esprit » écrit Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Ainsi l'homme absurde doit s'obstiner à ne pas écouter les prophètes (c'est-à-dire avoir assez d'imagination pour ne pas croire aveuglément à leur représentation de l'enfer ou du paradis) et à ne faire intervenir que ce qui est certain, et si rien ne l'est, « ceci du moins est une certitude ».
L'homme absurde ne pourrait s'échapper de son état qu'en niant l'une des forces contradictoires qui le fait naître : trouver un sens à ce qui est ou faire taire l'appel humain. Or aucune de ces solutions n'est réalisable.
Une manière de donner du sens serait d'accepter les religions et les dieux. Or ces derniers n'ont pas d'emprise sur l'homme absurde. L'homme absurde se sent innocent, il ne veut faire que ce qu'il comprend et « pour un esprit absurde, la raison est vaine et il n'y a rien au-delà de la raison ».
Une autre manière de trouver du sens serait d'en injecter : faire des projets, établir des buts, et par là même croire que la vie puisse se diriger. Mais à nouveau « tout cela se trouve démenti d'une façon vertigineuse par l'absurdité d'une mort possible ». En effet, pour l'homme absurde il n'y a pas de futur, seul compte l'ici et le maintenant.
La première des deux forces contradictoires, le silence déraisonnable du monde, ne peut donc être niée. Quant à l'autre force contradictoire permettant cette confrontation dont naît l'absurde, qui est l'appel humain, la seule manière de la faire taire serait le suicide. Mais ce dernier est exclu car à sa manière « le suicide résout l'absurde ». Or l'absurde ne doit pas se résoudre. L'absurde est générateur d'une énergie. Et ce refus du suicide, c'est l'exaltation de la vie, la passion de l'homme absurde. Ce dernier n'abdique pas, il se révolte.

Une réponse, la révolte

Oui, il faut maintenir l'absurde, ne pas tenter de le résoudre, car l'absurde génère une puissance qui se réalise dans la révolte. La révolte, voici la manière de vivre l'absurde. La révolte c'est connaître notre destin fatal et néanmoins l'affronter, c'est l'intelligence aux prises avec le silence déraisonnable du monde, c'est le condamné à mort qui refuse le suicide. C'est pourquoi Camus écrit : « L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte ».
La révolte c'est aussi s'offrir un énorme champ de possibilités d'actions, car si l'homme absurde se prive d'une vie éternelle, il se libère des contraintes imposées par un improbable futur et y gagne en liberté d'action. Plus le futur se restreint et plus les possibilités d'actions « hic et nunc » sont grandes. Et ainsi l'homme absurde jouit d'une liberté profonde. L'homme absurde habite un monde dans lequel il doit accepter que « tout l'être s'emploie à ne rien achever», mais un monde dont il est le maître. Et à Camus, qui fait de Sisyphe le héros absurde, d'écrire : « Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
Bien que Camus réfute les religions parce que « on n'y trouve aucune problématique réelle, toutes les réponses étant données en une fois», et qu'il n'accorde aucune importance au futur : « il n'y a pas de lendemain», sa révolte n'en est pas pour autant amorale. « La solidarité des hommes se fonde sur le mouvement de révolte et celui-ci, à son tour, ne trouve de justification que dans cette complicité ». Tout n'est pas permis dans la révolte, la pensée de Camus est humaniste, les hommes se révoltent contre la mort, contre l'injustice et tentent de « se retrouver dans la seule valeur qui puisse les sauver du nihilisme, la longue complicité des hommes aux prises avec leur destin ».
En effet, Camus pose à la révolte de l'homme une condition : sa propre limite. La révolte de Camus n'est pas contre tous et contre tout. Et Camus d'écrire : « La fin justifie les moyens ? Cela est possible. Mais qui justifie la fin ? À cette question, que la pensée historique laisse pendante, la révolte répond : les moyens ».

Entre journalisme et engagement

Roger Quilliot appelle ce volet de la vie de Camus La plume et l'épée, plume qui lui a servi d'épée symbolique mais sans exclure les actions qu'il mena tout au long de sa vie (voir par exemple le chapitre suivant). Camus clame dans Lettres à un ami allemand son amour de la vie : « Vous acceptez légèrement de désespérer et je n'y ai jamais consenti » confessant « un goût violent de la justice qui me paraissait aussi peu raisonné que la plus soudaine des passions. » Il n'a pas attendu la résistance pour s'engager. Il vient du prolétariat et le revendiquera toujours, n'en déplaise à Sartre; la première pièce qu'il joue au Théâtre du Travail, Révolte dans les Asturies, évoque déjà la lutte des classes.
Il va enchaîner avec l'adhésion au Parti communiste et son célèbre reportage sur la misère en Kabylie paru dans Alger-Républicain. Il y dénonce « la logique abjecte qui veut qu'un homme soit sans forces parce qu'il n'a pas de quoi manger et qu'on le paye moins parce qu'il est sans forces.» Les pressions qu'il subit alors vont l'obliger à quitter l'Algérie mais la guerre et la maladie vont le rattraper. Malgré cela, il va se lancer dans la résistance.
Bien qu'il écrive dans Combat et lutte pour des causes auxquelles il croit, Camus éprouve une certaine lassitude. Ce qu'il veut, c'est pouvoir concilier justice et liberté, lutter contre toutes les formes de violence, défendre la paix et la coexistence pacifique, combattre à sa façon pour résister, contester, dénoncer.

Albert Camus et l'Espagne

Les origines espagnoles de Camus s'inscrivent aussi bien dans son œuvre, des Carnets à Révolte dans les Asturies ou L’état de siège, par exemple, que dans ses adaptations de La Dévotion à la Croix (Calderon de la Barca) ou Le Chevalier d'Olmedo (Lope de Vega). Comme journaliste, ses prises de position, sa lutte permanente contre le franquisme, se retrouvent dans de nombreux articles depuis Alger républicain en 1938, des journaux comme Combat bien sûr mais aussi d'autres moins connus, Preuves ou Témoins, où il défend ses convictions, affirme sa volonté d'engagement envers une Espagne libérée du joug franquiste, lui qui écrira « Amis espagnols, nous sommes en partie du même sang et j'ai envers votre patrie, sa littérature et son peuple, sa tradition, une dette qui ne s'éteindra pas. »  C'est la profession de foi d'un homme qui est constamment resté fidèle « à la beauté comme aux humiliés.»

La Peste d'Albert Camus

Résumé

La Peste est publié en 1947 et vaut à Albert Camus son premier grand succès de librairie : 161.000 exemplaires vendus dans les deux premières années. Ce roman s'est vendu, depuis, à plus de 5 millions d'exemplaires , toutes éditions françaises confondues.
La Peste est bâti comme une tragédie en cinq actes. L'action se situe en avril 194. à Oran,  une ville "fermée" qui "tourne le dos à la mer".

Première partie

Oran, un jour d'avril 194., le docteur Rieux découvre le cadavre d'un rat sur son palier. Le concierge, monsieur Michel, pense que ce sont des mauvais plaisants qui s'amusent à déposer ces cadavres de rats dans son immeuble. A midi, Rieux accompagne à la gare son épouse qui, malade, part se soigner dans une ville voisine. Quelques jours plus tard, une agence de presse annonce que plus de six mille rats ont été ramassés le jour même. L'angoisse s'accroît . Quelques personnes commencent à émettre quelques récriminations contre la municipalité. Puis , soudainement, le nombre de cadavres diminue, le rues retrouvent leur propreté, la ville se croit sauvée.
Monsieur Michel, le concierge de l'immeuble de Rieux, tombe malade. Le docteur Rieux essaye de le soigner. Sa maladie s'aggrave rapidement. Rieux ne peut rien faire pour le sauver. Le concierge succombe à un mal violent et mystérieux.
Rieux est sollicité par Grand, un employé de la mairie. Il vient d'empêcher un certain Cottard de se suicider. Les morts se multiplient. Rieux consulte ses confrères. Le vieux Castel, l'un d'eux, confirme ses soupçons : il s'agit bien de la peste. Après bien des réticences et des tracasseries administratives, Rieux parvient à ce que les autorités prennent conscience de l'épidémie et se décident à "fermer" la ville.

Deuxième partie

La ville s'installe peu à peu dans l'isolement. L'enfermement et la peur modifient les comportements collectifs et individuels : " la peste fut notre affaire à tous", note le narrateur.
Les habitants doivent composer avec l'isolement aussi bien à l'extérieur de la ville qu'à l'intérieur. Ils éprouvent des difficultés à communiquer avec leurs parents ou leurs amis qui sont à l'extérieur. Fin juin, Rambert, un journaliste parisien séparé de sa compagne , demande en vain l'appui de Rieux pour regagner Paris. Cottard, qui avait, en avril, pour des raisons inconnues tenté de se suicider , semble éprouver une malsaine satisfaction dans le malheur de ses concitoyens. Les habitants d'Oran tentent de compenser les difficultés de la séquestration, en s'abandonnant à des plaisirs matériels. Grand , employé de la mairie, se concentre sur l'écriture d'un livre dont il réécrit sans cesse la première phrase. Le père Paneloux fait du fléau l'instrument du châtiment divin et appelle ses fidèles à méditer sur cette punition adressée à des hommes privés de tout esprit de charité.
Tarrou, fils d'un procureur et étranger à la ville, tient dans ses carnets sa propre chronique de l'épidémie . Lui ne croit qu'en l'homme. Il fait preuve d'un courage ordinaire et se met à disposition de Rieux pour organiser le service sanitaire. Rambert les rejoint.

Troisième partie

C'est l'été, la tension monte et l'épidémie redouble. Il y a tellement de victimes qu'il faut à la hâte les jeter dans la fosse commune , comme des animaux. La ville est obligée de réprimer des soulèvements et les pillages. Les habitants semblent résignés . Ils donnent l'impression d'avoir perdu leurs souvenirs et leur espoir . Ils n'ont plus d'illusion et se contentent d'attendre...

Quatrième partie

Cette partie se déroule de septembre à décembre. Rambert a eu l'opportunité de quitter la ville, mais il renonce à partir. Il est décidé à lutter jusqu'au bout aux côtés de Rieux et de Tarrou. L'agonie d'un jeune enfant, le fils du juge Othon et les souffrances qu'éprouvent ce jeune innocent ébranlent Rieux et troublent les certitudes de l'abbé Paneloux. L'abbé se retranche dans la solitude de sa foi, et meurt sans avoir sollicité de médecin, en serrant fiévreusement contre lui un crucifix. Tarrou et Rieux , connaissent un moment de communion amicale en prenant un bain d'automne dans la mer . A Noël, Grand tombe malade et on le croit perdu. Mais , il guérit sous l'effet d'un nouveau sérum. Des rats, réapparaissent à nouveau, vivants.

Cinquième partie

C'est le mois de janvier et le fléau régresse. Il fait pourtant de dernières victimes: Othon, puis Tarrou qui meurt, serein au domicile de Rieux. Il confie ses carnets au docteur. Depuis que l'on a annoncé la régression du mal, l'attitude de Cottard a changé. Il est arrêté par la police après une crise de démence
Un télégramme arrive chez Rieux : sa femme est morte.
A l'aube d'une belle matinée de février, les portes de la ville s'ouvrent enfin . Les habitants, libérés savourent mais ils n'oublient pas cette épreuve "qui les a confrontés à l'absurdité de leur existence et à la précarité de la condition humaine."
On apprend l'identité du narrateur: c'est Rieux qui a voulu relater ces événements avec la plus grande objectivité possible. Il sait que le virus de la peste peut revenir un jour et appelle à la vigilance.

La Peste. Commentaire composé d´un extrait. 

L'extrait de la Peste que nous étudions ici, relate une scène à l'Opéra municipal, qui sert de mise en abîme dans l'ensemble du roman. Le narrateur utilise les notes de Tarrou pour relater cette représentation.

Texte étudié : La représentation d'Orphée et Eurydice



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"Pendant tout le premier acte, Orphée se plaignit avec facilité, quelques femmes en tunique commentèrent avec grâce son malheur, et l’amour fut chanté en ariettes. La salle réagit avec une chaleur discrète. C’est à peine si on remarqua qu’Orphée introduisait, dans son air du deuxième acte, des tremblements qui n’y figuraient pas, et demandait avec un léger excès de pathétique, au maître des Enfers, de se laisser toucher par ses pleurs. Certains gestes saccadés qui lui échappèrent apparurent aux plus avisés comme un effet de stylisation qui ajoutait encore à l’interprétation du chanteur.

Il fallut le grand duo d’Orphée et d’Eurydice au troisième acte (c’était le moment où Eurydice échappait à son amant) pour qu’une certaine surprise courût dans la salle. Et comme si le chanteur n’avait attendu que ce mouvement du public, ou, plus certainement encore, comme si la rumeur venue du parterre l’avait confirmé dans ce qu’il ressentait, il choisit ce moment pour avancer vers la rampe d’une façon grotesque, bras et jambes écartés dans son costume à l’antique, et pour s’écrouler au milieu des bergeries du décor qui n’avaient jamais cessé d’être anachroniques mais qui, aux yeux des spectateurs, le devinrent pour la première fois, et de terrible façon.
 
Car, dans le même temps, l’orchestre se tut, les gens du parterre se levèrent et commencèrent lentement à évacuer la salle, d’abord en silence comme on sort d’une église, le service fini, ou d’une chambre mortuaire après une visite, les femmes rassemblant leurs jupes et sortant tête baissée, les hommes guidant leurs compagnes par le coude et leur évitant le heurt des strapontins. Mais, peu à peu, le mouvement se précipita, le chuchotement devint exclamation et la foule afflua vers les sorties et s’y pressa, pour finir par s’y bousculer en criant.
 
Cottard et Tarrou, qui s’étaient seulement levés, restaient seuls en face d’une des images de ce qui était leur vie d’alors : la peste sur la scène sous l’aspect d’un histrion désarticulé et, dans la salle, tout un luxe devenu inutile sous la forme d’éventails oubliés et de dentelles traînant sur le rouge des fauteuils."

La Peste est un roman  d’Albert Camus publié en 1947 qui permit en partie à son auteur de remporter le prix Nobel en 1957. Il a pour théâtre Oran, durant la période de l’Algérie française. L’histoire se déroule dans les années 1940. Le roman raconte sous forme de chronique la vie quotidienne des habitants, pendant une épidémie de peste qui frappe la ville et la coupe du monde extérieur.

Cet extrait se situe au milieu du roman ; la ville d’Oran a été fermée par les autorités à cause de la  peste. Des couples et des familles sont séparés puisque nul ne peut entrer ni sortir de la ville. Une troupe d’opéra, venue jouer l’Orphée de Gluck, est contrainte de rester à Oran et donne un spectacle une fois par semaine. Ce passage raconte la dernière représentation.
 
Après avoir précisé son statut, nous monterons comment le narrateur amène la révélation finale, comment le "réel" fait irruption dans la fiction et en quoi cet extrait constitue un "Manifeste".

Le narrateur est externe, « omniscient » et omniprésent, notamment à travers la figure de l'ironie ("Orphée se plaignit avec facilité", "quelques femmes en tunique commentèrent avec grâce son malheur") ; les événements sont perçus à travers le regard des spectateurs (focalisation interne), mais le narrateur en sait davantage que les spectateurs, par exemple que les gestes saccadés du chanteur ne sont pas dus à un effet stylistique.

Le narrateur dispose,  tout au long du texte des « indices » de plus en plus éloquents, mais ce n’est qu’à la fin du texte, dans le dernier paragraphe, qu’il écrit le mot  « peste ». Le lecteur est alors amené à relire et à réinterpréter le texte à la lumière de l’explication finale.

Le champ lexical du théâtre est présent tout au long du texte et forme un réseau (on parle d’isotopie). Les  termes se rapportent  à l’œuvre, aux acteurs et au jeu (« stylisation », « grand duo », « troisième acte », « histrion »), à la mise en scène (« costumes », « bergerie », « décor »), au théâtre  (« salle », « rampe », « strapontins », « sorties », « scène », « fauteuils »), aux spectateurs (« public », « éventails », dentelles »)

Le comportement du chanteur qui interprète Orphée est présenté au début du texte comme légèrement étrange (« C’est à peine si l’on remarqua », « un léger excès de pathétique »), mais les « gestes saccadés » qui lui échappent apparaissent aux « spectateurs les plus avisés » comme un effet de stylisation, c’est-à-dire comme faisant partie de son jeu.

Le narrateur introduit dans le deuxième paragraphe de nouveaux « indices d’anomalie » : « pour qu’une une certaine surprise courût dans la salle », « « la rumeur venue du parterre », indices de plus en plus explicites, mais sans que l’explication soit donnée : « il choisit ce moment pour avancer vers la rampe d’une façon grotesque, bras et jambes écartés dans son costume à l’antique, et pour s’écrouler au milieu des bergeries du décor qui n’avaient jamais cessé d’être anachroniques (sous-entendu « aux yeux du narrateur ») mais qui, aux yeux du spectateur, le devinrent pour la première fois, et de terrible façon. »

La réaction des spectateurs et l’expression « le devinrent pour la première fois et de terrible façon » montre qu’ils ont compris et le narrateur évoque le départ du public à l’aide de comparaisons relevant du champ lexical des funérailles (« comme on sort d’une église », ou d’une chambre mortuaire », « tête baissée »)

Le départ des spectateurs tourne à la panique (« pour finir par s’y bousculer en criant »)

Ce n’est qu’au troisième paragraphe que le narrateur donne l’explication, le fin mot de l’histoire (« la peste »)

La « réalité » de la peste fait donc irruption  dans la fiction théâtrale. Elle subvertit les conventions théâtrales en exhibant brutalement le caractère artificiel et dérisoire du spectacle, le chanteur en costume antique et  les bergeries anachroniques. Il ne faut cependant pas oublier qu’il s’agit là d’une « mise en abyme » et que nous restons à l’intérieur d’une autre convention, la convention romanesque qui relève, elle aussi de la fiction.

Aède  mythique de Thrace, fils du roi Œagre  et de la muse Calliope ou de Polymnie, Orphée  savait par les accents de sa lyre charmer les animaux sauvages et parvenait à émouvoir les êtres inanimés. Héros voyageur, il participa à l'expédition des Argonautes.
 
Son épouse, Eurydice (une dryade), lors de leur mariage, fut mordue au pied par un serpent. Elle mourut et descendit au royaume des Enfers.
 
Après avoir endormi Cerbère, le monstrueux chien à trois têtes qui en gardait l'entrée de sa musique enchanteresse, et les terribles Euménides, il réussit à approcher le dieu Hadès.
 
Il parvint, grâce à sa musique, à le faire fléchir, et celui-ci le laissa repartir avec sa bien-aimée à la condition qu'elle le suivrait et qu'il ne se retournerait ni ne lui parlerait tant qu'ils ne seraient pas revenus tous deux dans le monde des vivants.
 
Mais au moment où ils s'apprêtaient à sortir des Enfers, Orphée, inquiet de son silence, ne put s'empêcher de se retourner vers Eurydice et celle-ci lui fut retirée définitivement.
 
La légende d’Orphée et d’Eurydice prend une signification particulière dans le contexte du roman : l’épidémie de peste qui sévit à Oran. La séparation d'Orphée et d'Euridyce symbolise la séparation des familles et des couples, personne ne pouvant entrer dans la ville, ni en sortir ; les spectateurs se sont rendus au spectacle comme à un rituel pour exorciser leur peur et pour oublier leurs soucis et ne pas penser à la mort (thème pascalien du "divertissement") et comme si le théâtre était un espace sacré, en dehors du réel, au seuil duquel l’épidémie s’arrêtait.
 
Le narrateur se réfère implicitement à la notion de  « catharsis » qui, selon le philosophe grec Aristote est l’essence-même du théâtre :
 
« Nous voyons ces mêmes personnes, quand elles ont eu recours aux mélodies qui transportent l'âme hors d'elle-même, remises d'aplomb comme si elles avaient pris un remède et une purgation. C'est à ce même traitement dès lors que doivent être nécessairement soumis à la fois ceux qui sont enclins à la pitié et ceux qui sont enclins à la terreur, et tous les autres qui, d'une façon générale, sont sous l'empire d'une émotion quelconque pour autant qu'il y a en chacun d'eux tendance à de telles émotions, et pour tous il se produit une certaine purgation et un allégement accompagné de plaisir. Or, c'est de la même façon aussi que les mélodies purgatrices procurent à l'homme une joie inoffensive. » (Politique, Livre I)
 
Les spectateurs se purifient de leurs « passions » en éprouvant de la pitié et de la terreur devant le spectacle du « héros souffrant », mais ce phénomène ne peut fonctionner qu’à l’intérieur d'un "dispositif fictionnel" continu ; l’irruption du réel dans la fiction rend la catharsis inopérante et apporte à l'illusion des spectateurs un cruel démenti.

Cottard est l’un des personnages principaux du roman. Après avoir tenté de se suicider, il semble éprouver du plaisir dans le malheur des habitants. Tarrou lutte, quant à lui,  avec acharnement contre la peste  aux côtés du docteur Rieux. Cottard et Tarrou représentent deux attitudes opposées face au Mal : le cynisme et le refus et ce n'est pas un hasard s'ils apparaissent ensemble à cet endroit du roman. L'épidémie finira par régresser grâce à un vaccin mis au point par Castel.
 
La grande leçon du roman est qu'il convient de se battre contre le Mal, et d'adhérer à la dévise de Guillaume d'Orange, reprise par la Résistance française, "il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer."

Ce texte qui prend place au milieu du roman constitue une interrogation sur le statut de l’œuvre littéraire et théâtrale, son sens et ses enjeux. Le texte débute par un commentaire ironique du narrateur : « Pendant tout le premier acte, Orphée se plaignit avec facilité, quelques femmes en tunique commentèrent avec grâce son malheur, et l’amour fut chanté en ariettes. La salle réagit avec une chaleur discrète. » qui souligne le caractère artificiel, « anachronique » et dérisoire du spectacle.
 
Albert Camus, proche des conceptions esthétiques et dramaturgiques de Jean Vilar, créateur du festival d'Avignon, est partisan d'un théâtre populaire et accessible et souhaite réduire le spectacle au jeu des acteurs en évitant de faire du plateau un "carrefour des arts" (peinture, architecture, musique, machinerie, etc.)
 
Cette conception du théâtre n'est pas non plus sans faire penser au "théâtre de la cruauté" d'Antonin Artaud, bien que la conception d'Artaud soit plus métaphysique que politique ou éthique : "Poursuivant sa quête d'un théâtre du rêve et du grotesque, du risque et de la mise en danger, Artaud écrit successivement deux manifestes du Théâtre de la Cruauté : « Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n'est pas possible. Dans l'état de dégénérescence où nous sommes c'est par la peau qu'on fera rentrer la métaphysique dans les esprits. » (1932). Le 6 avril 1933, paraît un recueil de textes sous le titre Le Théâtre et son double dont Le Théâtre et la peste, texte d'une conférence littéralement incarnée, plus que prononcée, Artaud jouant les dernières convulsions d'un pestiféré devant une assistance atterrée puis hilare."

Il ne s’agit pas pour le narrateur, porte-parole de l’auteur, d’opposer « le réel » (la peste) à l’imaginaire (la représentation d’un opéra), mais d’exprimer implicitement une certaine conception de la fonction de la littérature et du théâtre (Albert Camus était à la fois un auteur de romans, un dramaturge et un metteur en scène : Caligula, Les Justes) ; loin d’être un pur « divertissement », au sens pascalien du terme permettant au spectateur et au lecteur de s’évader du monde réel,  la littérature et le théâtre se doivent de rendre compte du réel et des grands enjeux existentiels, métaphysiques  et politiques, de développer le sens de la vérité et de la justice et d'inciter à la réflexion et à l'engagement. 


Sources bibliographiques:
Véronique Anglard , La Peste d'Albert Camus (Nathan)
Kléber Haedens  Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions larousse)

sábado, 1 de septiembre de 2012

André Malraux



 

André Malraux

(1901-1976)


"Servi par une mémoire prodigieuse et par l'intelligence la plus vive, comblé de dons par toutes les fées, Malraux est l'homme de trois dieux, aimés inégalement : l'art, la révolution et le général de Gaulle." Jean d'Ormesson
Pour beaucoup d'écrivains, l'enfance fait l'objet d'une introspection nostalgique ou émerveillée. André Malraux, lui, a mis toute son énergie à l'oublier : " Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne" écrira-t-il dans ses Antimémoires en 1967. Il n'aimait guère, non plus, que l'on fouille ce "tas de petits secrets" qu'est la vie d'un homme... Aussi s'emploiera-t-il à brouiller les pistes concernant sa propre existence.
Rien ne prédestinait ce jeune banlieusard sans fortune, né en 1903, au pied de la butte Montmartre à devenir l'un des géants français du vingtième siècle. Elevé, du fait de la séparation de ses parents, par trois femmes, sa grand-mère, sa mère et sa tante, il découvrira d'abord le monde au travers des livres et des musées. Doué d'une grande curiosité et d'une mémoire prodigieuse, il devient "chineur" pour un libraire-éditeur parisien, et s'immisce ainsi dans les milieux littéraires et artistiques de l'avant-garde. Malraux se passionne pour la peinture cubiste. Un grand marchand de tableau, qui est aussi éditeur, Kanhweiler, éditera en 1921 le premier livre de Malraux : Lunes en papier.
Puis Malraux rencontre Clara Goldschmidt, riche héritière d'une famille allemande émigrée. La jeune fille est immédiatement séduite par ce garçon élégant à l'intelligence brillante et aux propos pétillants. Fiançailles, mariage. Malraux place la fortune de son épouse en bourse. Les entreprises minières mexicaines dans lesquelles il a tout misé, ne tiendront pas leur promesse. Le couple est ruiné.
Pour se reconstituer rapidement un patrimoine, André Malraux prend l'étrange décision d'aller s'emparer de quelques statues khmères dans la jungle cambodgienne pour les revendre ensuite en occident. L'expédition est un désastre. A la veille de Noël 1923, le couple est arrêté à Phnom-Penh. André Malraux est condamné à trois ans de prison ferme. Clara Malraux, elle, bénéficie d'un non lieu et parvient à rentrer en France. Elle réussira, en mobilisant une vingtaine de grands écrivains français à faire libérer son mari.
Mais ce séjour asiatique  lui a donné le virus de l'aventure et a révélé son intérêt pour l'action politique. Malraux retourne en Asie. Ses positions anti-coloniales lui valent quelques démêlés avec la justice. Rédacteur en chef d'une publication clandestine, L'Indochine enchaînée, Malraux suit avec un regard attentif les événements de la révolution chinoise, notamment le soulèvement de Canton (1925). Revenu en France, il publie ses premiers romans : La Tentation de l'Occident (1926) , Les Conquérants (1928) , La Voie royale (1930, prix Interallié). La condition humaine lui vaut le prix Goncourt en 1933.
Son goût de l'action et ses convictions anti-fascistes poussent Malraux à participer à la guerre civile espagnole aux côtes des républicains en 1936. Ces événements lui inspireront un grand roman : L'Espoir ( 1937) et un film ( Sierra de Terruel, 1939)
Durant la seconde guerre mondiale, Malraux entre tardivement dans la résistance ( en 1943) sous le nom de colonel Berger. Il éprouve de grandes difficultés, tant auprès des résistants gaullistes que communistes, qui le considèrent comme un transfuge tardif. En juillet 1944, sa voiture tombe dans une embuscade à Toulouse : blessé, Malraux est arrêté, interrogé, et transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Il ne doit sa libération, en août, qu'à un départ précipité des allemands.
En 1945, il rencontre le Général de Gaulle. Un grande admiration réciproque se crée entre les deux hommes. Malraux accepte de devenir son conseiller technique à la Culture et devient un éphémère ministre de l'Information (novembre 1945 à janvier 1946).
Il ne quittera plus le Général de Gaulle. Lors de son retour aux affaires en 1958, il devient Ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles. Le militant révolutionnaire s'est mué en militant gaulliste. Sa diction magnétique et haletante résonne pour longtemps dans nos mémoires : l'oraison funèbre de Braque et le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon...
Malraux publiera encore La Voix du Silence (1951), La Métamorphose des dieux (1957-1976), et les Antimémoires (1967).
En 1970, il publie les Chênes que l'on abat, un dernier hommage au général de Gaulle disparu, dont il était resté le plus proche des compagnons.
Il meurt en 1976, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, suite à une congestion pulmonaire.
Malraux est un personnage que l'on a eu trop tendance à statufier . Sans doute le livre d'Olivier Todd ("André Malraux. Une vie", Biographie d'Olivier Todd, Gallimard, avril 2001) , qui va ébranler ce monument trop vénéré, sera-t-il salutaire ?
Jean d'Ormesson écrivait d'ailleurs, il y a quelques années, dans son dictionnaire de la Littérature française : "Le risque pour Malraux est de voir son œuvre étouffée par sa vie tumultueuse. Le Panthéon est un triomphe, mais ce n'est pas au Panthéon, c'est dans le cœur et la mémoire que survivent les écrivains."
En dévoilant les mensonges et les points faibles de Malraux, Olivier Todd, comme l'écrit Angelo Rinaldi, "humanise" la statue ; et c'est tant mieux.

 Biographie d'André Malraux
1901
André Malraux naît à Paris le 3 novembre. Son père, Fernand Malraux, est originaire de Dunkerque, où il est né en 1875. Son grand-père paternel, armateur, est évoqué dans Les Noyers de l'Altenburg et dans Le Miroir des limbes.
La mère d'André Malraux, Berthe Lamy est originaire de la région parisienne (elle est née en 1877). Les grands parents maternels d'André Malraux étaient boulangers à Saint-Maur-des-Fossés.
1902
En décembre, naissance du petit frère d'André Malraux, Raymond-Fernand, qui ne vivra que trois mois.
1905
Séparation des parents d'André Malraux. Sa mère s'installe chez sa propre mère, à Bondy. Celle-ci y tient avec sa seconde fille, Marie Valentine, une épicerie. André Malraux vivra jusqu'en 1920 avec sa grand-mère, sa mère et sa tante dans cette maison à un étage (l'épicerie étant située au rez-de-chaussée).
André Malraux ne gardera pas un très bon souvenir de son enfance : " Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne" ( Antimémoires, 1967)
1910
André Malraux passe ses vacances d'été chez ses grands-parents à Dunkerque. Il lit Alexandre Dumas.
1912
Le père d'André Malraux s'est remarié. Naissance de Roland Malraux, son premier demi-frère.
1914
André Malraux obtient son certificat d'études primaires
En septembre, il visite avec ses camarades de classe le champ de bataille de la Marne. Trop jeune pour aller combattre, il vivra la guerre au travers de l'expérience de son père, sous lieutenant dans les chars.
Il commence à aller au théâtre, et s'évade en lisant Hugo et Flaubert.
1916
André Malraux assiste à une représentation du Cid à la Comédie française. Il commence à fréquenter concerts et expositions et s'essaie, sans grand succès, à la peinture.
Il est alors élève au lycée Turgot. Bien que moyen en composition française, il se passionne au-delà des romanciers et des poètes français pour la littérature russe, notamment, Tolstoï et Dostoïevski.
1918
Face au refus du lycée Condorcet de l'inscrire, il abandonne les études secondaires. Son amour de la lecture lui permet de se passionner pour Corneille, Hugo, Flaubert, Nietzsche, Tolstoï, Dostoïevski, Michelet, Baudelaire, Loti, Barrès … et de devenir un véritable bibliophile. Il commence à gagner sa vie grâce à ses activités de chineur chez les bouquinistes.
1919
Il travaille pour le compte de René-Louis Doyon, qui tient la librairie La Connaissance. C'est grâce à cette activité qu'il entre en contact avec le poète Max Jacob.
1920
René-Louis Doyon lance sa revue, La Connaissance, et ouvre ses colonnes à André Malraux. Ce dernier publie un premier article consacré à la poésie cubiste.
André Malraux côtoie les milieux artistiques et littéraires parisiens : Paul Morand, Jean Cocteau, Raymond Radiguet, André Salmon, Max Jacob, André Suarès, Pierre Reverdy, Vlaminck, Derain, Léger…
René-Louis Doyon lance également une activité d'éditeur à laquelle Malraux collabore. Il publie aussi des articles dans la revue d'avant-garde, Action, de Florent Fels, notamment sur les Chants de Maldoror de Lautréamont, Les Champs magnétiques de Philippe Soupault et La Négresse du Sacré-Coeur d'André Salmon.
Le libraire Simon Kra lui confie la direction artistique des Éditions du Sagittaire ; il y publiera notamment : Le Livret de l'imagier de Remy de Gourmont et Carnet intime de Laurent Tailhade.
Ces activités permettent à Malraux de quitter le pavillon de Bondy pour s'installer à Paris.
1921
Max Jacob le présente au marchand de tableaux Kanhweiler, qui engage Malraux comme éditeur à la Galerie Simon. Malraux travaille alors à la publication de textes de Max Jacob, de Vlaminck, de Radiguet et de Reverdy.
Malraux publie Lunes en papier, son premier livre aux éditions de la Galerie Simon.
Il rencontre Clara Goldschmidt à un dîner organisé par Florent Fels. Ils partent ensemble fin juillet en Italie : Florence, puis Venise. Ils doivent rentrer prématurément en août faute d'argent. Ils profitent de ce voyage pour télégraphier leurs fiançailles à la mère de Clara.
André Malraux et Clara Goldschmidt se marient en octobre à Paris, puis partent en voyage à Prague et à Vienne. Ils passent les fêtes de fin d'année à Magedbourg, berceau de la famille de Clara.
1922
André Malraux et Clara Goldschmidt poursuivent leur voyage vers Berlin; ils y découvrent l'expressionnisme allemand. André Malraux entame une collaboration avec la NRF. Il publie notamment un compte rendu sur L'Art poétique de Max Jacob.
Le couple Malraux voyage en Tunisie et en Sicile.
1923
André Malraux parvient à échapper au service militaire, en se faisant réformer.
André Malraux qui avait placé la fortune de son épouse en bourse doit faire face à l'effondrement des valeurs mexicaines qui constituaient la majorité de son portefeuille boursier. Le couple est ruiné.
Pour se reconstituer rapidement un patrimoine, André Malraux prend l'étrange décision d'aller s'emparer de quelques statues khmères dans la jungle cambodgienne pour les revendre ensuite en occident. L'expédition qui est montée avec Louis Chevasson, l'ami d'enfance, sera un désastre. Ils embarquent en octobre sur l'Ankgor. À la mi-décembre, ils arrachent sept pierres au temple de Banteaï-Srei . ils les emballent et les emportent sur des charrettes. De retour à Phnom-Penh, à la veille de Noël, ils sont arrêtés après la fouille de leurs bagages et assignés à résidence.
1924
André Malraux est condamné en juillet à trois ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Phnom-Penh. Clara Malraux, elle, bénéficie d'un non lieu et parvient à rentrer en France. Elle réussit avec l'aide de Marcel Arland à réunir les signatures d'une vingtaine d'écrivains au bas d'une pétition qui paraît dans Les Nouvelles Littéraires le 6 septembre (Gide, Mauriac, Breton, Aragon, Gallimard, Max Jacob…). En octobre, la cour d'appel de Saigon réduit la peine de prison d'André Malraux et l'assortit d'un sursis.
André Malraux rentre en France en Novembre.
1925
Avant de repartir pour Saigon, André Malraux signe un contrat pour trois livres avec l'éditeur Bernard Grasset.
Le couple Malraux fonde, à Saigon, avec l'avocat Paul Monin, L'Indochine , un journal d'opposition au gouvernement colonial. Le premier numéro de L'Indochine sort en juin ; Ce journal paraît jusqu'au 14 août. Sa parution doit cesser du fait des pressions du gouverneur sur les imprimeurs locaux. André Malraux et ses amis parviennent à acheter des caractères d'imprimerie à Hongkong, et feront paraître L'Indochine enchaînée de fin novembre 1925 à janvier 1926.
Malade , André Malraux doit rentrer en France. Il s'embarque pour la France le 30 décembre. De ce séjour en Indochine il garde à la fois l'expérience de son combat contre la société coloniale et le goût d'un journalisme engagé.
1926
Sur le bateau du retour, André Malraux commence à rédiger les premiers fragments de La Tentation de l'Occident, qui paraîtra en juillet chez Grasset. Cet "essai-roman " est un récit épistolaire entre un jeune occidental et un jeune oriental : le français A.D qui découvre l'Asie échange ses impressions avec le chinois Ling, qui lui, visite l'Europe.
André Malraux, fait maintenant figure, en France, de spécialiste de l'Extrême Orient
1927
André Malraux doit garder le lit pendant près de trois mois, en raison d'une grave crise de rhumatisme articulaire.
Il publie en mars, chez Grasset, son essai : D'une jeunesse européenne.
Il travaille à son roman Les Conquérants, qu'il publiera en 1928. Il continue de rédiger des comptes rendus à la N.R.F.
1928
André Malraux signe un contrat chez Gallimard, et entre au comité de lecture .
Parution de : Les Conquérants chez Grasset et de Royaume-Farfelu chez Gallimard.
Il commence à travailler au manuscrit de La Voie royale.
1929
Il devient directeur artistique chez Gallimard, où il crée la collection des Mémoires révélateurs
Il va effectuer, de 1929 à 1931, avec Clara, plusieurs voyages en Orient. Au printemps, ils partent pour la Perse. Ils passent par Naples, Constantinople et Bakou . Ils reviendront en passant par l'Irak, la Syrie et Beyrouth.
1930
Parution de La Voie royale (Grasset), qui obtient le prix Interallié. Ce roman tiré de l'expérience de Malraux dans la forêt cambodgienne, conte les aventures "métaphysiques" de Claude Vannec, archéologue, et de l'énigmatique Perken, ancien agent secret. Ces deux personnages effectuent un voyage " au bout de la nuit", à la recherche d'un autre aventurier, perdu dans la région proche des temples.
Malraux édite Calligrammes d'Apollinaire et crée la Galerie de la N.R.F
En décembre, suicide par asphyxie de son père.
1931
André Malraux organise plusieurs expositions à la Galerie de la N.R.F. sur l'art gothico-bouddhique, l'art indo-hellénistique, et l'art des nomades de l'Asie centrale.
La N.R.F. d'avril publie La Révolution étranglée, article de Trotski sur Les Conquérants, suivi de la réponse d'André Malraux.
En mai, nouveau voyage de Clara et André Malraux en Asie. Ils vont à Ispahan, puis en Afghanistan et en Inde. Grâce à Gaston Gallimard qui finance ce voyage, celui-ci se transforme en tour du Monde : Birmanie, Singapour, Hongkong, Chine, Japon, Canada, et Etats-Unis. Ils rentrent en France en décembre.
1932
Mort de la Mère d'André Malraux en mars
Il rencontre Josette Clotis
Il travaille à la rédaction de La Condition humaine et s'installe au 44, rue du Bac.
1933
En mars naissance de Florence Malraux
En avril parution de La Condition humaine en volume chez Gallimard . Il obtient le prix Goncourt fin 1933.
André Malraux s'engage dans la lutte contre le fascisme. Il prend la parole lors de la première réunion de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires présidé par André Gide et prend la défense de Dimitrov, accusé de l'incendie du Reichstag.
En août, il rencontre Trotski.
Il a une brève liaison avec Louise de Vilmorin qu'il retrouvera dans les années soixante.
Il commence à partager sa vie entre Clara et Josette Clotis.
1934
En janvier, André Malraux se rend à Berlin avec André Gide pour tenter d'obtenir la libération de Dimitrov. Il participe à toutes les manifestations en faveur de sa libération.
Il se lance dans une nouvelle aventure périlleuse. En mars, il part reconnaître en avion, avec le capitaine Corniglion-Molinier, le site de Mareb, la capitale légendaire de la reine de Saba au Yémen. Ils survolent les ruines le 7 mars et, sur le chemin de retour, sont reçus par l'empereur Haïlé-Sélassié à Addis-Abeba.
De juin à septembre, Clara et André Malraux sont en Union soviétique ; il accorde des entretiens à la Pravda . Lors de ce séjour, il rencontre Staline, Gorki, Eisenstein, et Pasternak. Il assiste en août au Congrès des écrivains; il y prononce le discours L'art est une conquête. Il commence à rédiger Le Temps du Mépris.
1935
En mai , il publie Le Temps du Mépris chez Gallimard. Ce livre dédié aux victimes du nazisme, ouvre un nouveau cycle romanesque. Malraux a décidé cette fois de combattre les fascismes.
André Malraux organise, avec André Gide, le Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, au Palais de la Mutualité.
1936
En mars, il fait un bref séjour en Union soviétique et rencontre Gorki peu avant sa mort.
Dès le début de la guerre civile espagnole, il apporte on soutien aux républicains. Il participe à plusieurs combats aériens à la tête de l'escadrille España qu'il commande.
Il participe au bombardement d'une colonne nationaliste à Medellín et à la destruction d'un terrain d'atterrissage à Olmedo.
1937
En février, il participe à une dernière mission pour protéger les réfugiés de Málaga puis il rentre à Paris.
Il part aux États-Unis pour une tournée de conférences destinée à aider financièrement la République espagnole. Il se rend ainsi successivement à New York, Philadelphie, Washington, Hollywood, San Francisco, Toronto et Montréal.
Il travaille à son roman L'Espoir, qu'il terminera à l'automne.
De retour à Paris, il participe en juillet au congrès des écrivains pour la défense de la culture puis séjourne dans les Pyrénées avec Josette Clotis.
L'Espoir parait en décembre.
1938
Clara et André Malraux se séparent.
Il travaille à la préparation du film Sierra de Teruel. Il commence, fin juillet, le tournage à Barcelone. Le tournage se poursuit à Tarragone et dans la sierra de Montserrat.
1939
En janvier, l'équipe du film Sierra de Teruel doit évacuer Barcelone investie par les nationalistes. Il leur faudra terminer le tournage en France ( Joinville et Villefranche de Rouergue). Le film sera projeté trois fois pendant l'été avant d'être censuré en septembre. Il obtiendra après la guerre le prix Louis Delluc sous le titre l'Espoir.
Surpris par la déclaration de guerre, et le pacte germano-soviétique, qu'il se refuse à dénoncer, il tente en vain de s'engager dans une unité de chars.
1940
Il travaille à Mayrena second volet des Puissances du désert (dont La Voie royale constitue le premier volume) et à La Psychologie de l'art, tandis que Verve publie son Esquisse d'une psychologie du cinéma.
Il parvient enfin à s'engager dans l'armée française comme soldat de deuxième classe. En avril, il est incorporé au dépôt de cavalerie motorisée de Provins.
Il est fait prisonnier dès le mois de juin et interné dans la cathédrale de Sens.
D'août à octobre, il peut travailler à Collemiers; il sera tour à tour moissonneur, bibliothécaire, bûcheron et instituteur.
Il commence à écrire Les Noyers de l'Altenburg.
En Novembre, grâce à son demi-frère Roland, André Malraux s'évade en compagnie du poète Jean Grosjean et de Jean Beuret et arrive en zone libre. Le même jour , Josette met au monde à Neuilly, leur premier fils, Pierre-Gauthier.
La nouvelle famille va s'installer dans le midi. André Malraux reprend contact avec les écrivains installés sur la Côte d'Azur : Gide, Martin du Gard, Berl …
1941
André Malraux reste méfiant face à l'influence des communistes sur la résistance. C'est pourquoi malgré les visites de Wildé, d'Astier, Bourdet, Stéphane, Sartre et Beauvoir qui le pressent de s'engager contre l'occupant , il refuse de le faire.
André Malraux se consacre à la rédaction de deux récits Le Règne du malin et Le démon de l'Absolu , ouvrages restés inachevés et qui ne seront publiés qu'après sa mort. Il travaille également aux Noyers de l'Altenburg.
1942
Après un séjour en septembre dans l'Allier, où il prend peut-être un premier contact avec des réseaux résistants, il s'installe dans le Cantal où Josette Clotis le rejoint avec leur fils.
1943
En mars, Josette met au monde leur second fils, Vincent.
Roland , le demi-frère d'André Malraux, le présente au réseau de résistance auquel il appartient.
Parution des Noyers de l'Altenburg ( Lausanne).
André Malraux consacre la majorité de son temps à l'écriture du Démon de l'Absolu.
1944
André Malraux rentre en résistance au printemps sous le pseudonyme de colonel Berger.
Ses deux frères, Claude et Roland, résistants de la première heure, sont arrêtés. Roland  est conduit au camp de concentration de Neuengamme en Allemagne. Il meurt le 3 mai 1945 lors du naufrage du Cap Arcona.
André Malraux qui souhaite fédérer les différents maquis de Corrèze éprouve de grandes difficultés, tant auprès des résistants gaullistes que communistes (ils le considèrent comme un transfuge tardif). André Malraux ne parvient à s'imposer que dans un groupe d'Alsaciens.
En juillet, sa voiture tombe dans une embuscade à Toulouse : blessé, il est arrêté, interrogé, et transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Il ne doit sa libération, en août, qu'à un départ précipité des allemands.
En septembre il prend le commandement de la Brigade Alsace-Lorraine, et s'engage activement dans la bataille des Vosges.
Le 12 Novembre, Josette Clotis meurt accidentellement , les jambes broyées par un train.
La Brigade Alsace-Lorraine participe activement à la libération de Strasbourg.
1945
André Malraux s'installe avec sa belle-sœur Madeleine (l'épouse depuis janvier 43 de son frère Roland), le fils de Madeleine, Alain, (né en juin 44), et ses deux fils à lui, dans un appartement à Boulogne-Billancourt.
En août, André Malraux rencontre le Général de Gaulle. Il se crée une grande admiration réciproque  entre les deux hommes. Malraux accepte de devenir son conseiller technique à la culture et devient un éphémère ministre de l'Information ( novembre 1945 à janvier 1946). André Malraux confie la direction de son cabinet à Raymond Aron.
Le film Sierra de Teruel, rebaptisé Espoir, est à nouveau projeté en salle à partir d'août et reçoit le prix Louis Delluc en décembre.
1946
En janvier, son divorce avec Clara est prononcé. Fin de l'expérience ministérielle , André Malraux restera fidèle au Général de Gaulle pendant sa traversée du désert (jusqu'en 1958).
En novembre, André Malraux prononce un discours à la Sorbonne pour la naissance de l'Unesco.
1947
Un Volume de ses Romans parait dans la bibliothèque de la Pléiade.
Le Général de Gaulle crée le Rassemblement du Peuple Français (RPF) , André Malraux prend la direction du service de presse. C'est lui qui organise les interventions publiques du Général.
André Malraux prononce un discours au premier meeting du RPF au Vélodrome d'hiver en juillet.
Parution du premier volume ( il y en aura 3) de La Psychologie de l'art : Le musée imaginaire .
1948
André Malraux prononce en mars, à la salle Pleyel, une conférence: Appel aux intellectuels , qui deviendra la postface des Conquérants.
Il épouse Madeleine, la veuve de son demi-frère Roland Malraux.
Il publie le deuxième volume de La Psychologie de l'art (La Création artistique) et Les Noyers de l'Altenburg.
1949
Il collabore à la revue mensuelle du RPF, Liberté de l'esprit, dirigée par Claude Mauriac.
Il publie le troisième volume de La Psychologie de l'art (La Monnaie de l'absolu).
1950
André Malraux travaille à une seconde version de La Psychologie de l'art.
1951
André Malraux publie Les Voix du silence, nouvelle version modifiée de La Psychologie de l'art.
Il travaille à un ouvrage consacré à la sculpture.
1952
Il abandonne ses activités au sein du RPF.
Parution du premier volume du Musée imaginaire de la sculpture mondiale (La Statuaire).
Il voyage avec Madeleine en Grèce, en Égypte et en Iran.
1953
Il se consacre à la suite du Musée imaginaire,
Il collabore au Malraux par lui-même de Gaëtan Picon.
Pendant l'été, il se rend à Lucerne avec Madeleine, son épouse.
1954
André Malraux est invité à New York avec son épouse, pour l'inauguration des nouvelles galeries du Metropolitan Museum.
En été, il voyage en Italie : à Florence, en Toscane et en Ombrie.
Parution du deuxième volume du Musée imaginaire.
Il accorde plusieurs entretiens à L'Express.
1955
Parution du troisième volume du Musée imaginaire.
Il voyage avec Madeleine en Égypte.
Il travaille à la suite des Voix du silence, intitulée La Métamorphose des dieux.
1956
Discours à Stockholm pour le 350e anniversaire de la naissance de Rembrandt.
Il voyage à Rome et en Sicile avec son épouse et Alain.
Il travaille à La Métamorphose des dieux.
1957
Parution, en novembre, du premier tome de La Métamorphose des dieux.
1958
André Malraux adresse avec plusieurs écrivains (Martin du Gard, Mauriac et Sartre) une lettre au Président de la République contre la torture en Algérie.
En juin, il devient Ministre de l'Information du Général de Gaulle. En juillet, il est chargé de l'expansion et du Rayonnement de la Culture française.
Il prononce trois grands discours : en juillet (Fête Nationale), août (Anniversaire de la Libération de Paris) et septembre (Référendum sur la nouvelle constitution).
1959
Malraux devient ministre d'État chargé des affaires culturelles en janvier.
Discours à Athènes Hommage à la Grèce pour la première illumination de l'Acropole .
Tournée en Amérique du Sud en août et septembre, Malraux visite le Brésil, le Pérou, le Chili, l'Argentine et l'Uruguay.
En octobre, il assiste avec le Général de Gaulle à la première de Tête d'Or, créé par la compagnie Renaud-Barrault, au Théâtre de France.
1960.
Malraux prononce un discours à l'occasion de l'Indépendance des colonies d'Afrique noire.
Malraux rompt avec sa fille Florence, suite à la signature par celle-ci du manifeste des 121, en faveur de l'insoumission des jeunes appelés en Algérie. Ils ne se réconcilieront qu'en 1968.
Malraux voyage au Mexique, prend part à la campagne de sauvegarde des monuments de Nubie (discours à l'Unesco).
1961
Mort accidentelle de ses deux fils, Vincent et Gauthier, tués dans un accident de voiture sur une route de Bourgogne : ils ont dix-huit et vingt ans.
1962
En février, son domicile est plastiqué, sans doute par l'OAS. Malraux s'installe quelques mois plus tard avec Madeleine et Alain à Versailles.
Le 4 août est adoptée par le Parlement la loi dite loi Malraux assurant la sauvegarde des quartiers anciens et la création des maisons de la culture.
Il commande à Chagall un nouveau plafond pour l'Opéra de Paris.
1963
Malraux prononce en janvier, en présence du président Kennedy , un discours pour l'exposition de La Joconde à la National Gallery de Washington.
En septembre, il prononce l'oraison funèbre de Georges Braque.
Malraux commande le nouveau plafond de l'Odéon à André Masson.
1964
Inauguration de la Maison de la culture de Bourges par le Général de Gaulle
Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Malraux y prononce un discours resté célèbre : "Entre ici, Jean Moulin..."
1965
Fin juin, il embarque avec Albert Beuret sur Le Cambodge à destination de l'extrême-orient.
Début août, il est en Chine, où il rencontre Mao Tsé Toung.
Funérailles de Le Corbusier, il prononce son éloge funèbre dans la Cour carrée du Louvre.
1966
Malraux inaugure la maison de la culture d'Amiens en mars.
Inauguration du 1er festival mondial des arts nègres à Dakar, en compagnie de Senghor.
Il organise la rétrospective Picasso aux Grand et Petit Palais.
Madeleine et André malraux se séparent.
Pour lutter contre une profonde solitude , il se consacre complètement à la rédaction des Antimémoires.
1967
En septembre, parution des Antimémoires . Malraux multiplie les interviews.
Il travaille à la suite des Antimémoires.
Il se rapproche de Louise de Vilmorin
1968
Malraux se rend en U.R.S.S. en mars et se réconcilie avec sa fille Florence.
1969
Il prononce ses derniers discours politiques pour le Oui au référendum. Suite à la démission du Général de Gaulle, il s'installe à Verrières-le-Buisson avec Louise de Vilmorin .
Il signe aux côtés de Mauriac et de Sartre une pétition en faveur de Régis Debray, détenu en Bolivie.
Il rend une dernière visite à Colombey au Général de Gaulle, qui mourra l'année suivante.
Mort de Louise de Vilmorin.
1970
Il travaille à la rédaction des Chênes qu'on abat...
Malraux préface les Poèmes de Louise de Vilmorin.
Mort du Général de Gaulle.
1971
Parution de : Les Chênes qu'on abat...
1972
En février., Malraux est invité par Richard Nixon à Washington qui le consulte avant de se rendre en Chine.
En avril diffusion de la première série d'émissions La légende du siècle (réalisées par Françoise Verny et Claude Santelli).
Début novembre, Malraux est victime d'un grave malaise. Il est hospitalisé à la Salpêtrière.
1973
En avril , Malraux se rend au Bangladesh en compagnie de Sophie de Vilmorin.
1974
Parution de La tête d'obsidienne.
Malraux soutient la candidature de Jacques Chaban-Delmas aux élections présidentielles.
Il séjourne au Japon et à New Delhi avec Sophie de Vilmorin. Parution de L'Irréel, seconde partie de La Métamorphose des dieux, et de Lazare ( méditation sur la vie et la mort suite au grave malaise dont il fut victime en novembre 1972).
1975
Il inaugure en janvier le centre culturel André-Malraux à Verrières-le-Buisson.
En mai, il prononce un discours à la Cathédrale de Chartres pour le trentième anniversaire de la libération des camps de concentration.
Parution de Hôtes de passage en octobre.
1976
Parution de L'Intemporel, tome II de La Métamorphose des dieux .
En octobre, les Antimémoires et leurs suites entrent dans la bibliothèque de la Pléiade sous le titre Le Miroir des limbes.
En novembre, il est victime d'une congestion pulmonaire. Il est hospitalisé à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Il y meurt le 23 novembre. Il est inhumé le 24 Novembre à Verrières-le-Buisson.
Le 27, il reçoit un hommage national dans la cour carrée du Louvre.
1977.
Parution posthume de L'homme précaire et la littérature.
Parution de la version définitive du premier volume de La Métamorphose des dieux : Le Surnaturel.
1996
23 Novembre, 20 ans après sa mort, transfert de ses cendres au Panthéon.

Sources bibliographiques :

Malraux, par Jean-Claude Larrat,   Balises, Nathan
Dictionnaire de la Littérature française du XXème siècle (Albin Michel, Encyclopaedia Universalis)
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française
La Littérature du XXème Siècle ( Nathan, Collection Henri Mitterand)

Principales oeuvres d'André Malraux

1921
Lunes en papier
1926
La Tentation de l'Occident
1927
D'une jeunesse européenne
1928
Les Conquérants
Le royaume farfelu
1930
La Voie Royale
1933
La Condition Humaine
1935
Le Temps du mépris
1937
L'Espoir
1943
Les Noyers de l'Altenburg
1947-49
Psychologie de l'Art
1951
Les Voix du Silence
1952-56
Le Musée Imaginaire de la sculpture mondiale
1957-76
La Métamorphose des Dieux
1967
Le Miroir des Limbes : tome 1, les Antimémoires
1971
Des Chênes qu'on abat
1976
Le Miroir des Limbes : tome II, la Corde et les Souris


La Condition humaine d'André Malraux


Résumé de la Condition humaine

Ce roman d’André Malraux (1901-1976) a été publié en extraits dans la Nouvelle Revue française et dans Marianne, et en volume chez Gallimard en 1933. Il a obtenu le Prix Goncourt.

Contexte historique

En mars 1927, l'Armée révolutionnaire du Kuomintang sous le commandement de Tchang Kaï-Chek est en marche vers Shanghai. Afin de faciliter la prise de la ville, dont le port représente un important point stratégique, les cellules communistes de la ville préparent le soulèvement des ouvriers locaux. Mais inquiet de la puissance de ces derniers et gêné dans sa quête de pouvoir personnelle, Tchang Kaï-Chek se retourne contre les communistes. Aidé en cela par les Occidentaux occupant les concessions, qui espèrent l'éclatement du Kuomintang, et les milieux d'affaires chinois, il fait assassiner le 12 avril 1927 des milliers d'ouvriers et dirigeants communistes par la Bande Verte, une société criminelle secrète.

Première partie (21 mars)

La préparation de l’insurrection.  Tchen poignarde un trafiquant d’armes et parvient ainsi à s’emparer de ses papiers qui permettront à Kyo et à Katow, ses compagnons, de s’emparer de la cargaison d’armes d’un bateau ancré dans le port. Pour réussir cette opération, les deux révolutionnaires vont bénéficier de la complicité du baron de Clappique. Les armes sont ensuite distribuées à l’ensemble des combattants clandestins cachés à travers la ville.  Kyo mène l’inspection de combattants clandestins. Il s’aperçoit en écoutant  un message enregistré , que sa propre voix lui parait étrangère. Cette première partie permet également de présenter les principaux protagonistes : Kyo et sa compagne May, Tchen et son maître à penser Gisors, qui est aussi  le père de Kyo. Après son meurtre, Tchen vient se confier à Gisors : il se sent séparé du monde des hommes  et avoue sa fascination pour « le sang ». Gisors est partagé entre la compréhension inquiète de ses «  deux fils » et la fuite dans l’opium qui lui permet de se réconcilier avec lui même.

Deuxième partie (22 mars)

C’est le jour de l’insurrection. Les troupes du général Tchang Kaï-chek sont sur le point d'entrer à Shanghai. Ferral, le président de la chambre de commerce française , étudie avec les autorités locales chinoises les chances de succès de l’insurrection. Finalement il persuade les milieux d’affaires de soutenir Tchang Kaï-chek. Ferral va rejoindre ensuite Valérie, sa maîtresse. Celle-ci  subit douloureusement la relation érotique humiliante qu’il lui impose.
Les combats sont très violents . L’insurrection est victorieuse, mais Tchang Kaï-chek s'oppose aux révolutionnaires et préfère pactiser avec les forces modérées: il exige des insurgés qu'ils rendent les armes. Les insurgés s’inquiètent de l’attitude attentiste du Kouo-Min-Tang . Kyo décide  d‘en savoir plus et s’en va demander des explications à Han-k’eou.

Troisième partie (29 mars)

 Kyo s’est rendu à Han-k’eou, où se trouve la délégation de l’Internationale communiste dont le délégué est Vologuine. Il souhaite demander au Kominterm l'autorisation de résister au général et de garder les armes . Il prend conscience que les communistes sont beaucoup moins forts que ce que l’on espérait à Shanghai.  Vologuine lui indique que la tactique de Moscou est, pour le moment, de laisser faire. Tchen vient lui aussi  à Han-k’eou et rencontre Kyo. Tchen ne voit comme seule solution que l’assassinat de Tchang Kaï-chek dont il est prêt à se charger. L’Internationale communiste désapprouve cette démarche mais les laisse partir.  Kyo et Tchen rentrent séparément à Shanghai.

Quatrième partie (11 avril)

A Shanghai la répression bat son plein. Impliqué dans l’affaire de la cargaison d’armes, Clappique est averti par le chef de la police. Il lui conseille de quitter la ville. Clappique essaye de prévenir Kyo que la police a décidé de l’arrêter. Clappique se rend chez Kyo, mais celui-ci étant absent,  il demande à Gisors de l’informer et lui donne rendez-vous dans un bar de la ville. Tchen, avec deux complices organise sans succès un premier attentat contre Tchang Kaï-chek. Il se cache ensuite chez son compagnon Hemmelrich et décide que la prochaine fois, il tentera sa chance , seul. Ferral prend conscience que la décision de Tchang Kaï-chek d’écraser l’insurrection peut servir ses propres intérêts. Il se rend , radieux à un rendez vous avec Valérie. Mais les deux amants se disputent et Valérie le ridiculise. Ferral vient alors chercher du réconfort auprès de Gisors. Il prend conscience de sa solitude et de la vacuité de ses rêves de puissance , mais n’y renonce pas pour autant.
 Kyo  se rend au rendez-vous de Clappique. May, sa compagne, souhaite l’accompagner. Tchen décide de se jeter avec sa bombe sur la voiture de Tchang Kaï-chek . Geste vain car le général n’est pas dans sa  voiture.

Cinquième partie

Clappique n’est pas à l’heure au rendez-vous. Kyo et May se font arrêtés . Kyo est jeté en prison. Apprenant qu’un nouvel attentat a été organisé contre Tchang Kaï-chek , Hemmelrich se rend à la permanence communiste pour avoir des nouvelles de Tchen. Lorsqu’il rentre chez lui, il découvre que sa femme et son enfant ont été assassinés dans des conditions horribles. Il décide alors de participer avec Katow à un ultime combat contre Tchang Kaï-chek. Il parvient à s’enfuir de justesse. Gisors obtient de Clappique qu’il intercède auprès du chef de police, auquel il a un jour sauvé la vie,  pour obtenir la libération de Kyo. Cette démarche ne fait qu’aggraver la situation de Kyo.

Sixième partie

Kyo est jeté dans une prison répugnante. Il comparait devant König, le chef de police qui a refusé sa libération. Ce dernier veut absolument faire perdre à Kyo sa dignité : où il trahit les siens, où il sera livré à la torture . Kyo refuse de collaborer et rejoint sous le préau, ses camarades communistes qui attendent d’être brûlés vifs dans la chaudière d’une locomotive. Kyo retrouve Katow. Kyo évite le supplice en se suicidant avec le cyanure qu’il dissimulait sur lui. Katow, lui , donne son cyanure à deux jeunes chinois complètement terrorisés par le sort qui les attend et marche, plein de dignité, vers le supplice . Clappique parvient à se déguiser en marin et à s’embarquer sur un bateau en partance pour la France.

Septième partie

A Paris, Ferral a une réunion au Ministère des Finances mais ne parvient pas à sauver le consortium qu’il dirigeait en Chine. A Kobé, au Japon, chez le peintre Kama, May vient retrouver Gisors. Gisors cherche la paix dans l’opium et dans la méditation. May, elle, malgré sa solitude et son désarroi, souhaite reprendre le combat révolutionnaire.

 « Ce roman réunit tous les thèmes du premier Malraux. Chacun de ses personnages incarne une attitude devant la vie et l'action. Mais tous assument leur condition humaine dans ce qu'elle a à la fois de vil et de sublime, c'est-à-dire de contradictoire. Tous vivent ce que l'auteur a appelé lui-même «une aventure tragique» et qui pourrait définir l'ensemble de son œuvre ».

Source bibliographique
La Condition humaine d'André Malraux
Kléber Haedens  Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions larousse)

Incipit
 
"21 mars 1927. Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même - de la chair d'homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle d'électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l'un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! 

La vague de vacarme retomba : quel embarras de voitures (il y avait encore des embarras de voitures, là-bas, dans le monde des hommes...). Il se retrouva en face de la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit où le temps n'existait plus. Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement : car il savait qu'il le tuerait. Pris ou non, peu importait. Rien n'existait que ce pied, cet homme qu'il devait frapper sans qu'il se défendît - car, s'il se défendait, il appellerait.

Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu’à la nausée, non le combattant qu’il attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu’il avait choisis : sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeur auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté. « Assassiner n’est pas seulement tuer… » Dans ses poches, ses mains hésitantes tenaient, la droite un rasoir fermé, la gauche un court poignard. Il les enfonçait le plus possible, comme si la nuit n’eût pas suffi à cacher ses gestes. Le rasoir était plus sûr, mais Tchen sentait qu’il ne pourrait jamais s’en servir ; le poignard lui répugnait moins. Il lâcha le rasoir dont le dos pénétrait dans ses doigts crispés ; le poignard était nu dans sa poche, sans gaine. Il le fit passer dans sa main droite, la gauche retombant sur la laine de son chandail et y restant collée. Il éleva légèrement le bras droit, stupéfait du silence qui continuait à l’entourer, comme si son geste eût dû déclencher quelque chute. Mais non, il ne se passait rien : c’était toujours à lui d’agir.
 

Ce pied vivait comme un animal endormi. Terminait-il un corps ? « Est-ce que je deviens imbécile ? »

Ainsi commence La Condition humaine, roman composé en sept parties.



Plan détaillé du commentaire de l’incipit de La Condition humaine

Introduction

·    En 1933, André Malraux fait paraître La Condition humaine. Ce roman historique, dont l’action se situe en 1927 dans la Chine de Tchang Kaï- Chek, obtient un très gros succès et se voit décerner le prix Goncourt.
·    Le récit s’ouvre sur une scène dramatique : Tchen, un jeune communiste, est sur le point de tuer dans son sommeil un trafiquant d’armes afin de récupérer un ordre de vente qui permettrait à ses camarades de s’approvisionner en armes. L’intérêt de ce texte réside dans le drame intérieur qui se joue au cœur de cette scène très tendue.
·    Aussi peut-on s’intéresser au caractère très cinématographique d’une ouverture de roman qui n’a d’autre fonction que de mettre en scène l’angoisse que ressent le jeune révolutionnaire.

1.   Une ouverture cinématographique

1.1 La dramatisation de la scène

·    « Une scène à faire », de l’aveu même de Malraux, d’après le manuscrit du roman. Un des temps forts de l’œuvre : tout concourt dans cet incipit à créer une atmosphère tendue, mystérieuse, angoissante qui rappelle celle des films en noir et blanc des années 30-50 comme La Dame de Shanghaï d’Orson Welles qui commence par une agression nocturne dans un parc ou bien Citizen Kane qui s’ouvre sur la mort d’un homme solitaire, et d’abord les films sombres de Murnau, Faust et Nosferatu ou de Fritz Lang tels Le docteur Mabuse ou M. le maudit.
·    L’entrée se fait « in medias res » : le lecteur est plongé au cœur de l’action, du drame,  par deux verbes d’action « lever «  et « frapperait » (l.1), et même dans l’intériorité du personnage nommé Tchen sans informations ni explications préliminaires sur les circonstances, le mobile de l’acte, sans présentation du personnage. Malraux transgresse là le protocole d’ouverture des œuvres romanesques écrites à la manière de Balzac. La future victime désignée deux fois par « cet homme » (l. 15 et 17), reste anonyme : réduite à un corps immobile, et par une synecdoque, à un pied (l.5, 8 et 16) conformément aux limites de la perception de Tchen, donc en grande partie invisible (comparaison l. 4-5), elle est identifiée seulement comme ennemie de la révolution. A ce stade, le meurtre en soi importe plus que le mobile ou la victime.
·    Le temps semble arrêté, comme suspendu, alors que l’action devrait être minutée comme le suggèrent les indications précises au- dessus du texte dans le style d’un reportage. Paradoxalement, l’action reste en suspens et l’acte est différé. Ainsi s’instaure une tension entre d’une part, des indications ponctuelles, une date et une heure précise, « minuit et demi » et d’autre part, des imparfaits dans le récit qui inscrivent l’action dans une durée pesante. Les quelques passés simples (l.11, 13, 30) ne parviennent pas à remettre en mouvement le récit ; au contraire, ils soulignent par contraste son immobilisation. On a une sorte d’arrêt sur image : un homme brandissant un couteau au- dessus d’un lit…. L’attente du lecteur devient pénible, son impatience est exacerbée. Dès ce moment se cristallise la disjonction entre le temps objectif de l’histoire, « 21 mars 1927 » à « Minuit et demi » et le temps subjectif, celui que perçoit Tchen. Pour lui,  le temps s’est un moment arrêté « dans cette nuit où le temps n’existait plus. » (l.14)

1.2 L’importance de la mise en scène et la charge symbolique du décor

·    Le cadre de l’action n’est pas vraiment décrit : pas de plan d’ensemble de la chambre, peu de détails. Le cadre, nous le découvrons à travers quelques plans qui épousent le champ de vision (nécessairement limité) de Tchen, selon l’échelle suivante : plan moyen du lit sur lequel tombe la moustiquaire, masse lumineuse et confuse (« tas de mousseline blanche »), plan plus rapproché, voire gros plan du pied (noté trois fois) sur lequel est fixé le regard de Tchen et qui est mis en relief par la lumière qui l’éclaire  par-dessous. Le complément « comme pour en accentuer le volume et la vie » fait songer à une consigne inscrite dans un scénario. La profondeur du champ est aussi étudié : en arrière- plan, on devine l’univers urbain, identifiable grâce à divers indices visuels et auditifs : la lumière émanant du « building voisin » (l.6), « le rectangle d’électricité pâle » (l.7), les coups de klaxon (l.9), le « vacarme » puis les bruits lointains des « embarras de voitures » (l.11-12).
·    Les jeux d’ombre et de lumière semblent réglés comme dans un film des années 30. Ils sont appropriés à la nature de l’acte en cours : un meurtre, acte illicite, ne peut qu’être commis dans la pénombre, loin du regard des hommes. Le meurtrier reste dans l’ombre, la victime aussi. De même l’intensité décroissante des sons évoquée à l’aide d’images -klaxons déchirant le silence nocturne comme le suggère l’emploi métaphorique du verbe « grincer », puis « vacarme retomba[nt] » assimilé à un « vague », montre que Tchen s’éloigne peu à peu du monde des vivants et s’enferme dans son monde intérieur. Les bruits soulignent par contraste le silence de la chambre avant de s’estomper et de disparaître.
·    Le décor est symbolique : La seule source de lumière vient de la ville, espace vivant, animé, par opposition à la chambre obscure où rien ne bouge ; Tchen a fait de cette chambre anodine un lieu clos voué à la mort. Le rectangle blanc coupé par les barreaux de la fenêtre, c’est la prison dans laquelle Tchen va mentalement s’enfermer. Tchen est encore à la frontière entre deux mondes, celui de la lumière symbolisant le monde des vivants et celui de la nuit évoquant la mort.

Tr. En fait, l’atmosphère oppressante créée par la mise en scène est en accord avec l’état psychologique du personnage. Elle est le révélateur d’un drame intérieur.

2.   La primauté du drame intérieur

2.1 Un novice placé dans une situation- limite

·    Le drame intérieur du personnage, nous le découvrons d’emblée grâce au narrateur omniscient qui nous permet d’entrer dans la conscience du personnage. Au moyen d’un monologue intérieur, il nous livre ses pensées les plus secrètes, la voix du narrateur se mêlant à celle de son personnage, à travers des phrases de types variés : interrogatives (l.1, 9), exclamatives (l.10) et déclaratives (l.15-16) ; leur brièveté traduit l’angoisse du héros. Tchen affronte une situation imprévue et inédite et se découvre à cette occasion.
·    Tchen paraît hésitant : la double interrogation initiale et l’analyse du narrateur (l.1-4) semblent l’indiquer. Le motif de son hésitation tient à la manière d’exécuter le meurtre (l.25-26). Sa motivation n’est pas en cause car c’est un militant déterminé, lucide et convaincu de la nécessité de son acte. Les modalités de la certitude et du devoir sont très présentes dans  son discours intérieur : « cet homme devait mourir », « il savait qu’il le tuerait », « cet homme qu’il devait frapper… ».Par ailleurs l’emploi d’un vocabulaire religieux, « sacrificateur », « sacrifice », « dieux » (l.20-21) suggère qu’il s’est mis entièrement au service d’une cause qui le dépasse, pour laquelle il est prêt à mourir lui-même et qui se trouve ainsi sacralisée.
·    Son hésitation s’explique par le fait que Tchen n’est pas un tueur professionnel. Tchen est un novice, un révolutionnaire néophyte qui fait l’apprentissage de l’action. Plus loin, dans le roman, le premier meurtre sera assimilé à un dépucelage. Son hésitation s’explique aussi par le fait que Tchen avait imaginé un autre scénario : une victime qui résiste. Agir comme un prêtre- sacrificateur et non comme un combattant, c’est se comporter comme un lâche, d’où son malaise et même sa rage traduite par la phrase exclamative : « Combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! ». Cette situation exceptionnelle va lui permettre de découvrir les profondeurs de son être.

2.2 La découverte de soi

·    Tchen éprouve, face au dormeur deux sentiments contradictoires : de la fascination, mais aussi de la répulsion. Il est « fasciné par [le] tas de mousseline blanche » qui le plonge dans un état d’  « hébétude » (l.3). En réalité, il est fasciné par la pensée de la mort, par son pouvoir de destruction. C’est déjà « l’extase par le bas » dont  il parlera à son ami Kyo. Mais il éprouve aussi une sorte de répugnance, exprimée par le mot « nausée », à l’idée d’entrer dans le domaine de l’interdit absolu, le meurtre étant en contradiction avec les principes chrétiens que lui a inculqués le pasteur Smithson.
·    Il éprouve surtout une angoisse profonde quand il prend conscience qu’  « assassiner, ce n’est pas seulement tuer… » (l.23). Il découvre qu’un assassinat  n’est pas seulement un acte physique qui fait passer la victime de vie à trépas, mais un acte qui engage le meurtrier lui-même et qui révèle les profondeurs insondables de l’inconscient, du psychisme humain. Tchen sera d’ailleurs incapable de faire partager aux autres ce qu’il aura ressenti. Il restera seul, muré dans son angoisse.

Conclusion

·    Malgré l’intérêt que Malraux attache à la création d’une atmosphère angoissante, c’est avant tout l’homme qui l’intéresse dans la mesure où il peut incarner une interrogation universelle.
·    Tchen, écartelé entre deux cultures car ce marxiste a été élevé dans la foi chrétienne, est à la recherche de lui-même. Sa fascination pour la mort va s’affirmer au point qu’il verra dans l’autodestruction le seul moyen d’accomplissement de son être.