Gustave Doré

Gustave Doré
"Personne ne parle le francophone, ni n'écrit en francophone. La francophonie est de la lumière d'étoile morte. Comment le monde pourrait-il se sentir concerné par la langue d'un pays virtuel ?" Manifeste pour une littérature-monde, 2007

martes, 20 de noviembre de 2012

LES MARGUERITES


MARGUERITE YOURCENAR- L´OEUVRE AU NOIR

par Federica Ramazzi et Adriana La Buonora

“Toute douleur prolongée insulte à leur oubli.”
                                                                       Marguerite Yourcenar  “ Mémoires d'Hadrien.


             Marguerite Cleenewerck de Crayencour, dont elle utilise l’anagramme est une écrivaine francophone, mais non française.
            Elle est née à Bruxelles, le 8 juin 1903. Le décès de sa mère lors de l'accouchement, a fait qu'elle ait toujours souffert malgré les efforts de son père qui était un homme très cultivé, anticonformiste et très grand voyageur.
            Il a tenait énormément à l'éducation de Marguerite et l’envoya toujours dans des institutions privées. Son premier poème dialogué, Le Jardin des chimères, est publié à compte d'auteur en 1921 et signé Yourcenar, anagramme de Crayencour à l'omission d'un C près, qui deviendra son patronyme légal en 1947 lors de sa naturalisation comme américaine.
Son roman Mémoires d'Hadrien, en 1951, connaît un succès mondial et lui vaut le statut définitif d'écrivain, consacré en1970 par son élection à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, et dix ans plus tard, par son entrée à l'Académie française, grâce au soutien actif de l'écrivain et académicien Jean d'Ormesson.
M. Yourcenar est la première femme à siéger à l'Académie française. Elle dit avoir longtemps hésité, pour le choix de son sujet, entre l'empereur Hadrien et le mathématicien-philosophe Omar Khayyâm.
            Elle a écrit des anagrammes, des poèmes dialogués, des essais, des critiques et des romans. Elle a aussi étudié des langues anciennes, la littérature et fait de nombreuses traductions.
            Elle a été définie comme humaniste. L'obscurantisme et l'ignorance sont des soucis toujours présents dans l'œuvre de cette femme.

            C’est peut-être pour ça que le personnage de Zénon paraît si naturel. Sa lutte contre le cléricalisme, l'obscurantisme, l'intolérance de ce Dieu vengeur et punisseur qui brûle tout ce qui ne comprend pas est de chaque instant.
            Zénon représente l'antagonisme entre Moyen Âge et Renaissance, du choix de l'individu de mourir de sa propre main contre la possibilité d'une exécution honteuse; il refuse d'obéir à son époque.
            Comme extrême geste de rébellion, comme ultime signe d’insoumission, Zénon préfère se suicider en se coupant les veines avant que de se faire brûler le lendemain.
            L’extrait montre une lutte tenace contre son propre corps. La mort apparaît inéluctable car même en agonie « son corps (avait) une activité violente et désordonnée”, il avait soif mais il était incapable de l'étancher, son pied lui pesait, il ne réussissait pas à se déboutonner, la nausée apparaît... ».
Lorsque la mort naturelle ou accidentelle approche, en général, on ne la sent pas venir mais lorsque le suicide est décidé et la personne passe à l’acte, toust son corps et son âme sont en émois. Tout se bouscule à l’intérieur, le cœur bat plus vite donc le sang circule à grande vitesse ; c’est l’excitation d’avoir pris une décision vitale et de savoir que c’est la bonne. C’est aussi savoir que l’heure de la délivrance approche et dans le cas de Zénon c’est aussi le fait de savoir qu’il va prendre sa revanche sur sa vie et sur son destin : c’est lui qui choisit quand et comment mourir. De plus, Zénon ne va pas mourir comme ses bourreaux l’ont voulu : il leur rit au nez, c’est lui qui a gagné.

            Zénon calcule  plusieurs fois la durée de sa souffrance. « Trois quarts d'heure qui s'étaient écoulés » et  « il essaya de calculer le temps qu'il faudrait  pour que la flaque rouge s’allongeât de l'autre côté du seuil ». Cependant il conçoit le futur « cette soif cesserait bientôt », « Mais peu importait, il était sauvé », « on ne brûlerait demain qu'un cadavre ».
Le temps qui passe est lent, en contradiction avec les sensations vertigineuses et rapides que ressent Zénon internement et sa soif intense de délivrance.

La rapide description des éléments extérieurs représente la mort dans son sens le plus large. « …les bruits de clochers …» : lors d’un enterrement le clocher d’une église retentit et les cloches se font entendre. « …le tonnerre… », c’est encore une image d’un temps triste, noir, obscur et gris comme le moment historique que vit Zénon. Mais c’est aussi l’image de la mort : on n’associe que très rarement le soleil et le beau temps à ce moment terminal de la vie, surtout si la personne se suicide. Le tonnerre nous indique la tempête et lorsque Zénon se suicide tout son corps et son âme sont en pleine « tempête ». Marguerite Yourcenar parle de « … criards oiseaux regagnant leur nid … », les oiseaux peuvent être assimilés aux corbeaux qui sont les oiseaux qui représentent la mort. Ces derniers crient toujours lorsque la mort rode dans les environs. Dans le cas de Zénon la mort est non seulement présente mais aussi consciente, vivante, choisi, désirée, voulue et accomplie. Finalement, Zénon entend « au dehors le son précis d’un égouttement... le sang qui s’écoulait sur le carreau.» : le suicide par coupure des veines est une mort lente qui voit le peu de temps qui reste, passer. Chaque goutte sur le carrelage est une de moins avant la mort certaine. Le temps passe, chaque goutte peut s’assimiler aux secondes qui passent et qui sont les dernières de souffrance avant la libération finale.
Toute cette description des éléments extérieurs renforce l’idée de souffrance de l’âme et du corps et la soif intense de délivrance.

            On peut trouver une expression-clé “Mais peu importait: il était sauvé”.  Le triomphe du suicide c'est l'ironie de sa propre mort. A celle-ci, on ajoute que Zénon choisit sa  façon de mourir. Le feu, parmi les ressources de l'inquisition (dont l'eau, la corde, et plusieurs éléments de torture) utilisé contre tout suspect d'hérésie ou apostasie, non seulement cherche la purification, mais la déshumanisation de l'être. C'est contre ça la révolte de Zénon. Il est sauvé de l'anonymat, de l’oubli, des cendres, du rien.

MARGUERITE DURAS- L´AMANT
par Lucía González et Claudio Silva
           
MARGUERITE DURAS

Marguerite Duras, de son vrai nom Marguerite Donnadieu, est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, Saïgon. Elle passe toute son enfance au Vietnam à 1932 après avoir obtenu son baccalauréat, elle quitte Saïgon et vient s’installer en France pour poursuivre ses études. En 1963 elle obtient sa licence en Droit.
Elle était partisanne du Parti Comuniste Français et en 1950 elle le quitte.
Journaliste  dramaturge scénariste, elle reçoit le Grand prix du théâtre de  l'Académie française en 1983 et le prix Goncourt en 1984 pour « L' Amant », adapté par Jean-Jacques Annaud au cinéma. Son œuvre est à rattacher au courant du Nouveau Roman. Les textes de Marguerite Duras, concis, chargés d'ellipses et de silences, se disloquent jusqu'à l'énigme. Les écrits, les paroles sont à la fois insuffisants et superflus. Parmi ses romans, on peut citer « Un barrage contre le Pacifique » (1950), « Le Marin de Gibraltar » (1952), « Moderato cantabile » (1958).
Elle connaît une notoriété internationale avec Hiroshima mon amour, le film d’Alain Resnais dont elle écrit le scénario et les dialogues.

L’amant
L’amant est un roman de Margueritte Duras, qui date de 1944 et présente l’histoire probablement autobiographique d’une jeune fille d’origine européenne âgée de quinze ans qui tombe amoureuse d’un chinois fort riche qui redouble son âge.
Bien que  le roman porte sur  cette histoire d’amour, il y a une multiplicité d’interprétations et de niveaux de lecture. Il s’agit aussi d’une description implicite de la situation  de conflit social et ethnique, de la différence d’âge, de la découverte de l’amour et du plaisir  dans le cadre de la première expérience sexuelle.
Elle récrée la souffrance éprouvée  au sein de sa propre vie familiale, la relation avec ses frères, l’amour envers sa mère.
Même si on peut « entendre » le tonne autobiographique du roman, il ne faut pas  l’assimiler à un récit spécifique des évènements da sa vie. En effet on aperçoit la réalité nuancée par son imagination.
La narratrice évoque plusieurs  évènements, quelques-uns de forme complète complets, d’autres inachevés et même d’autres qu’elle raconte plusieurs fois pour préciser certains aspects de ce qui est présent ou pour le montrer d’un point de vue différent.
Encadrée dans un environnement exotique cette histoire s’inscrit dans l’Indochine coloniale de l’entre guerre.


PRÉSENTATION DE L’EXTRAIT.
Cet extrait présente une scène intime entre le personnage principal- la jeune fille de quinze ans- et son aimé.
La scène se  déroule dans une chambre, plus précisément dans le lit «  il met sa tête sur moi et il pleure de me voir pleurer » où la fille pleure à cause de  ses sentiments face a sa mère.
Le récit commence à la première personne et passe à la troisième personne  quand elle fait référence aux rêves. Elle  exprime ses propres sentiments par rapport  aux sentiments et expériences vécues par sa mère, à tel point qu’il en existe une identification.
« A travers les persiennes le soir est arrivé » à partir de ce moment le narrateur focalise son attention sur le décor, l’introduction des éléments du monde extérieur dans la scène : le vacarme, les lampadaires rompent l’atmosphère intime du premier moment et donnent lieu à la réflexion. En même temps qu’ils s’habillent, ils s’aperçoivent des changements chez la jeune fille qui « a vieilli », « qui est fatiguée ».
À la fin du récit la description de la cohue établi une opposition entre l’intimité des amants et l’aliénation de la foule qui marche sans sens sans un sens, sans désirs et  qui semble être accompagnée mais que finalement ils sont isolés.

ANALYSE DE L’EXTRAIT
La narration commence avec l’expression d’une douleur qui est « consolée » par les baisers. On pourrait penser que la souffrance sert de décor pour cette histoire parce que la jeune fille trouve une ambiance aisée pour se détendre et pour partager la douleur avec son amant. Alors, elle trouve dans « cette chambre » un espace introuvable dans sa famille.
 Le marqueur temporel « ce-jour-là » place les évènements qui suivent dans un passé par rapport au présent de la narration. L’effet  de ses larmes dépasse le jour auquel la narratrice fait référence pour consoler aussi la douleur du temps passé et du futur par rapport à ce passé, qui est, bref, le présent de la narratrice.
« lui dit que… »le recours au discours rapporté sert à récréer le dialogue entre les personnages, cette récréation nous permet de connaître la pensée de la narratrice qui exprime son désir de quitter sa mère.
« Je pleure, il met sa tête sur moi », afin de nous rapprocher aux évènements passés dans la chambre, la narratrice emploie le présent historique.
Ce passage nous montre le degré d’intimité et d’empathie existant entre le deux amants toujours du point de vue de la narratrice-personnage.
« Le malheur de ma mère a occupé le lieu du rêve » on peut remarquer la présence du malheur de la mère dans les rêves de la fille. C’est à travers le rêve que la fille trouve un moyen d’expression, qui est l’expression des sentiments de sa mère qui deviennent aussi les siens. La douleur remplaçant les illusions de l’enfance « jamais les arbres de Noël », c’est l’image d’une femme seule dans le désert mettant en relief les sentiments de solitude, car elle ne parle avec personne.
« À travers les persiennes le soir est arrivé », une série d’énnoncés où les verbes conjugués sont au passé composé et  aident à construire un changement d’atmosphère qu’introduit une description sensorielle du monde extérieur qui rompt avec l’intimité de la scène prècedent.
Nous passons d’une profonde intimité entre les personnages, d’une identification qui leur permet de partager les sentiments, à l’irruption du bruit de l’extérieur, de la lumière qui s’allume  pour briser l’ambiance presque sacrée des amants dans le lit.
« Nous sommes sortis de la garçonnière », à travers cette métaphore s’illustre la transition entre deux états d’esprit. D’une part l’état de communion entre les amants qui les fait ressembler à deux enfants, et  d'autre part deux personnes habillées selon les conventions sociales.
Finalement la  fille se reconnaît comme une femme quand elle pronnonce : 
«  J’ai vieilli». Son amant la reconnait de cette façon aussi, en disant  «  tu es fatiguée ».
Le dernièr paragraphe décrit le dégre d’aliénation que souffre « la foule de la Chine » qui marche « galeuse comme les chiens abandonnés ». Le point de vue de la narratrice par rapport à la façon de vivre nous montre un regard distant, qui exprime le dégoût par ces gens qui marchent ensemble comme s’ils n’ avaient pas de sentiments « sans tristesse, sans curiosité ». Le paragraphe finit avec une préoccupation existentialiste de part de la narratrice qui voit la cohue symbolisant l’humanité dans sa marche sans propos.
Pour conclure, cet extrait porte sur la profonde expression de douleur qui s’exprime à travers les pleurs partagés  des amants  unis par  ce sentiment.
Le proposé de la narratrice qui regarde avec dégoût l’aliénation de la société chinoise et par extension du monde capitaliste.
L’extrait montre le style personnel de l’écriture de Duras  dans ce roman et sa capacité pour élever à un plan universel les sentiments et les préoccupations de cette fille qui se plaint de la pauvreté, de la solitude et de la faim.

Merci Mme le Professeur Soledad Lessa (corrections)!!!! 



           


miércoles, 14 de noviembre de 2012

LE PROGRAMME

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LITTÉRATURE DES PAYS FRANCOPHONES 3- IPA

PROF. MARÍA JOSÉ LARRE BORGES

PROGRAMME

1) Dada et surréalisme

Origine et histoire du mouvement
André Breton
Les techniques d'écriture surréalistes

Texte: Les manifestes, résumé.


2) Grands narrateurs du XXème siècle

André Malraux

Texte: Incipit de “La condition humaine”

    Albert Camus
    Texte: La représentation d'Orphée et Eurydice, “La peste”
    3) Le théâtre de l´absurde

Eugène Ionesco

Texte: Scène 1 de “La cantatrice chauve”


  1. Genre lyrique
Jacques Prévert, poete populaire

Texte: Les feuilles mortes


  1. Les “femmes savantes”

Marguerite Duras et Marguerite Yourcenar

Texte (oral): “L´amant” ou “L´oeuvre au noir”


  1. Un peu d´actualité (lecture)

JMG Le Clézio: Les maîtres du langage n´aiment pas les hommes”

martes, 13 de noviembre de 2012

Pour une littérature-monde en français

Pour une littérature-monde en français

Pour une littérature-monde en français est un manifeste littéraire publié par le journal Le Monde le 16 mars 2007, au cœur de la campagne présidentielle qui allait mener à l'élection de Nicolas Sarkozy, défendant le concept de littérature-monde au détriment du concept de littérature francophone. Cet événement a été suivi tout de suite de la parution de l’ouvrage intitulé Pour une littérature-monde.


Les signataires de ce manifeste sont : Muriel Barbery, Tahar Ben Jelloun, Alain Borer, Roland Brival, Maryse Condé, Didier Daeninckx, Ananda Devi, Alain Dugrand, Edouard Glissant, Jacques Godbout, Nancy Huston, Koffi Kwahulé, Dany Laferrière, Gilles Lapouge, Jean-Marie Laclavetine, Michel Layaz, Michel Le Bris, le prix Nobel de littérature JMG Le Clézio, Yvon Le Men, Amin Maalouf, Alain Mabanckou, Anna Moï, Wajdi Mouawad, Nimrod, Wilfried N'Sondé, Esther Orner, Erik Orsenna, Benoît Peeters, Patrick Rambaud, Gisèle Pineau, Jean-Claude Pirotte, Grégoire Polet, Patrick Raynal, Raharimanana, Jean Rouaud, Boualem Sansal, Dai Sijie, Brina Svit, Lyonel Trouillot, Anne Vallaeys, Jean Vautrin, André Velter, Gary Victor, Abdourahman A. Waberi.

Le confinement de l’imagination des écrivains classifiés en « écrivains francophones » et « écrivains français » a amené les signataires du manifeste et défenseurs de la littérature-monde à voir la « littérature francophone » comme une « variante exotique tout juste tolérée » de la « littérature française » et, avec elle, l’« idée de francophonie […] comme le dernier avatar du colonialisme ». La littérature-monde vise donc, de façon ultime, à libérer la langue « de son pacte exclusif avec la nation » pour ne donner à l’imaginaire d’autres « frontières que celles de l’esprit ».

Le Manifeste

Plus tard, on dira peut-être que ce fut un moment historique : le Goncourt, le Grand Prix du roman de l'Académie française, le Renaudot, le Femina, le Goncourt des lycéens, décernés le même automne à des écrivains d'outre-France. Simple hasard d'une rentrée éditoriale concentrant par exception les talents venus de la "périphérie", simple détour vagabond avant que le fleuve revienne dans son lit ? Nous pensons, au contraire : révolution copernicienne. Copernicienne, parce qu'elle révèle ce que le milieu littéraire savait déjà sans l'admettre : le centre, ce point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française, n'est plus le centre. Le centre jusqu'ici, même si de moins en moins, avait eu cette capacité d'absorption qui contraignait les auteurs venus d'ailleurs à se dépouiller de leurs bagages avant de se fondre dans le creuset de la langue et de son histoire nationale : le centre, nous disent les prix d'automne, est désormais partout, aux quatre coins du monde. Fin de la francophonie. Et naissance d'une littérature-monde en français.
Le monde revient. Et c'est la meilleure des nouvelles. N'aura-t-il pas été longtemps le grand absent de la littérature française ? Le monde, le sujet, le sens, l'histoire, le "référent" : pendant des décennies, ils auront été mis "entre parenthèses" par les maîtres-penseurs, inventeurs d'une littérature sans autre objet qu'elle-même, faisant, comme il se disait alors, "sa propre critique dans le mouvement même de son énonciation". Le roman était une affaire trop sérieuse pour être confiée aux seuls romanciers, coupables d'un "usage naïf de la langue", lesquels étaient priés doctement de se recycler en linguistique. Ces textes ne renvoyant plus dès lors qu'à d'autres textes dans un jeu de combinaisons sans fin, le temps pouvait venir où l'auteur lui-même se trouvait de fait, et avec lui l'idée même de création, évacué pour laisser toute la place aux commentateurs, aux exégètes. Plutôt que de se frotter au monde pour en capter le souffle, les énergies vitales, le roman, en somme, n'avait plus qu'à se regarder écrire.
Que les écrivains aient pu survivre dans pareille atmosphère intellectuelle est de nature à nous rendre optimistes sur les capacités de résistance du roman à tout ce qui prétend le nier ou l'asservir...
Ce désir nouveau de retrouver les voies du monde, ce retour aux puissances d'incandescence de la littérature, cette urgence ressentie d'une "littérature-monde", nous les pouvons dater : ils sont concomitants de l'effondrement des grandes idéologies sous les coups de boutoir, précisément... du sujet, du sens, de l'Histoire, faisant retour sur la scène du monde - entendez : de l'effervescence des mouvements antitotalitaires, à l'Ouest comme à l'Est, qui bientôt allaient effondrer le mur de Berlin.
Un retour, il faut le reconnaître, par des voies de traverse, des sentiers vagabonds - et c'est dire du même coup de quel poids était l'interdit ! Comme si, les chaînes tombées, il fallait à chacun réapprendre à marcher. Avec d'abord l'envie de goûter à la poussière des routes, au frisson du dehors, au regard croisé d'inconnus. Les récits de ces étonnants voyageurs, apparus au milieu des années 1970, auront été les somptueux portails d'entrée du monde dans la fiction. D'autres, soucieux de dire le monde où ils vivaient, comme jadis Raymond Chandler ou Dashiell Hammett avaient dit la ville américaine, se tournaient, à la suite de Jean-Patrick Manchette, vers le roman noir. D'autres encore recouraient au pastiche du roman populaire, du roman policier, du roman d'aventures, manière habile ou prudente de retrouver le récit tout en rusant avec "l'interdit du roman". D'autres encore, raconteurs d'histoires, investissaient la bande dessinée, en compagnie d'Hugo Pratt, de Moebius et de quelques autres. Et les regards se tournaient de nouveau vers les littératures "francophones", particulièrement caribéennes, comme si, loin des modèles français sclérosés, s'affirmait là-bas, héritière de Saint- John Perse et de Césaire, une effervescence romanesque et poétique dont le secret, ailleurs, semblait avoir été perdu. Et ce, malgré les oeillères d'un milieu littéraire qui affectait de n'en attendre que quelques piments nouveaux, mots anciens ou créoles, si pittoresques n'est-ce pas, propres à raviver un brouet devenu par trop fade. 1976-1977 : les voies détournées d'un retour à la fiction.
Dans le même temps, un vent nouveau se levait outre-Manche, qui imposait l'évidence d'une littérature nouvelle en langue anglaise, singulièrement accordée au monde en train de naître. Dans une Angleterre rendue à sa troisième génération de romans woolfiens - c'est dire si l'air qui y circulait se faisait impalpable -, de jeunes trublions se tournaient vers le vaste monde, pour y respirer un peu plus large. Bruce Chatwin partait pour la Patagonie, et son récit prenait des allures de manifeste pour une génération de travel writers ("J'applique au réel les techniques de narration du roman, pour restituer la dimension romanesque du réel"). Puis s'affirmaient, en un impressionnant tohu-bohu, des romans bruyants, colorés, métissés, qui disaient, avec une force rare et des mots nouveaux, la rumeur de ces métropoles exponentielles où se heurtaient, se brassaient, se mêlaient les cultures de tous les continents. Au coeur de cette effervescence, Kazuo Ishiguro, Ben Okri, Hanif Kureishi, Michael Ondaatje - et Salman Rushdie, qui explorait avec acuité le surgissement de ce qu'il appelait les "hommes traduits" : ceux-là, nés en Angleterre, ne vivaient plus dans la nostalgie d'un pays d'origine à jamais perdu, mais, s'éprouvant entre deux mondes, entre deux chaises, tentaient vaille que vaille de faire de ce télescopage l'ébauche d'un monde nouveau. Et c'était bien la première fois qu'une génération d'écrivains issus de l'émigration, au lieu de se couler dans sa culture d'adoption, entendait faire oeuvre à partir du constat de son identité plurielle, dans le territoire ambigu et mouvant de ce frottement. En cela, soulignait Carlos Fuentes, ils étaient moins les produits de la décolonisation que les annonciateurs du XXIe siècle.
Combien d'écrivains de langue française, pris eux aussi entre deux ou plusieurs cultures, se sont interrogés alors sur cette étrange disparité qui les reléguait sur les marges, eux "francophones", variante exotique tout juste tolérée, tandis que les enfants de l'ex-empire britannique prenaient, en toute légitimité, possession des lettres anglaises ? Fallait-il tenir pour acquis quelque dégénérescence congénitale des héritiers de l'empire colonial français, en comparaison de ceux de l'empire britannique ? Ou bien reconnaître que le problème tenait au milieu littéraire lui-même, à son étrange art poétique tournant comme un derviche tourneur sur lui-même, et à cette vision d'une francophonie sur laquelle une France mère des arts, des armes et des lois continuait de dispenser ses lumières, en bienfaitrice universelle, soucieuse d'apporter la civilisation aux peuples vivant dans les ténèbres ? Les écrivains antillais, haïtiens, africains qui s'affirmaient alors n'avaient rien à envier à leurs homologues de langue anglaise. Le concept de "créolisation" qui alors les rassemblaient, à travers lequel ils affirmaient leur singularité, il fallait décidément être sourd et aveugle, ne chercher en autrui qu'un écho à soi-même, pour ne pas comprendre qu'il s'agissait déjà rien de moins que d'une autonomisation de la langue.
Soyons clairs : l'émergence d'une littérature-monde en langue française consciemment affirmée, ouverte sur le monde, transnationale, signe l'acte de décès de la francophonie. Personne ne parle le francophone, ni n'écrit en francophone. La francophonie est de la lumière d'étoile morte. Comment le monde pourrait-il se sentir concerné par la langue d'un pays virtuel ? Or c'est le monde qui s'est invité aux banquets des prix d'automne. À quoi nous comprenons que les temps sont prêts pour cette révolution. Elle aurait pu venir plus tôt. Comment a-t-on pu ignorer pendant des décennies un Nicolas Bouvier et son si bien nommé Usage du monde ? Parce que le monde, alors, se trouvait interdit de séjour. Comment a-t-on pu ne pas reconnaître en Réjean Ducharme un des plus grands auteurs contemporains, dont L'Hiver de force, dès 1970, porté par un extraordinaire souffle poétique, enfonçait tout ce qui a pu s'écrire depuis sur la société de consommation et les niaiseries libertaires ? Parce qu'on regardait alors de très haut la "Belle Province", qu'on n'attendait d'elle que son accent savoureux, ses mots gardés aux parfums de vieille France. Et l'on pourrait égrener les écrivains africains, ou antillais, tenus pareillement dans les marges : comment s'en étonner, quand le concept de créolisation se trouve réduit en son contraire, confondu avec un slogan de United Colors of Benetton ? Comment s'en étonner si l'on s'obstine à postuler un lien charnel exclusif entre la nation et la langue qui en exprimerait le génie singulier - puisqu'en toute rigueur l'idée de "francophonie" se donne alors comme le dernier avatar du colonialisme ? Ce qu'entérinent ces prix d'automne est le constat inverse : que le pacte colonial se trouve brisé, que la langue délivrée devient l'affaire de tous, et que, si l'on s'y tient fermement, c'en sera fini des temps du mépris et de la suffisance. Fin de la "francophonie", et naissance d'une littérature-monde en français : tel est l'enjeu, pour peu que les écrivains s'en emparent.
Littérature-monde parce que, à l'évidence multiples, diverses, sont aujourd'hui les littératures de langue françaises de par le monde, formant un vaste ensemble dont les ramifications enlacent plusieurs continents. Mais littérature-monde, aussi, parce que partout celles-ci nous disent le monde qui devant nous émerge, et ce faisant retrouvent après des décennies d'"interdit de la fiction" ce qui depuis toujours a été le fait des artistes, des romanciers, des créateurs : la tâche de donner voix et visage à l'inconnu du monde - et à l'inconnu en nous. Enfin, si nous percevons partout cette effervescence créatrice, c'est que quelque chose en France même s'est remis en mouvement où la jeune génération, débarrassée de l'ère du soupçon, s'empare sans complexe des ingrédients de la fiction pour ouvrir de nouvelles voies romanesques. En sorte que le temps nous paraît venu d'une renaissance, d'un dialogue dans un vaste ensemble polyphonique, sans souci d'on ne sait quel combat pour ou contre la prééminence de telle ou telle langue ou d'un quelconque "impérialisme culturel". Le centre relégué au milieu d'autres centres, c'est à la formation d'une constellation que nous assistons, où la langue libérée de son pacte exclusif avec la nation, libre désormais de tout pouvoir autre que ceux de la poésie et de l'imaginaire, n'aura pour frontières que celles de l'esprit.

martes, 6 de noviembre de 2012

JMG Le Clézio- Prix Nobel 2008

Superbe!!!!!

http://www.nobelprize.org/mediaplayer/index.php?id=1058&view=7



Jean-Marie Gustave Le Clézio, plus connu sous la signature J. M. G. Le Clézio, né le 13
 avril 1940 à Nice, est un écrivain de langue française, de nationalités française et mauricienne.
Il connaît très vite le succès avec son premier roman publié, Le Procès-verbal (1963). 
Jusqu’au milieu des années 1970, son œuvre littéraire porte la marque des recherches formelles
du Nouveau Roman. Par la suite, influencé par ses origines familiales, par ses incessants
voyages et par son goût marqué pour les cultures amérindiennes, Le Clézio publie des romans 
qui font une large part à l’onirisme et au mythe (Désert et Le Chercheur d’or), ainsi que des 
livres à dominante plus personnelle, autobiographique ou familiale (L’Africain). Il est l’auteur 
d’une quarantaine d’ouvrages de fiction (romans, contes, nouvelles) et d’essais.
Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 2008, en tant qu’«écrivain de nouveaux 
départs, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, explorateur d’une humanité au-delà
et en dessous de la civilisation régnante. »