Lautréamont et Maldoror
Isidore Lucien Ducasse, né à Montevideo (Uruguay), le 4 avril 1846, et mort dans le 9e arrondissement de Paris, le 24 novembre 1870, est un poète français. Il est également connu sous le pseudonyme de comte de Lautréamont, qu’il emprunta très probablement au Latréaumont d’Eugène Sue1 et qu'il n'utilisa pourtant qu'une seule fois.
Il est l'auteur des Chants de Maldoror, de deux fascicules, Poésies I et Poésies II, ainsi que d'une correspondance habituellement publiée sous le titre de Lettres, en appendice des œuvres précédentes.
Son œuvre compte parmi les plus fascinantes du XIXe siècle, d'autant plus que l'on sait très peu de choses sur leur auteur, mort très jeune à vingt-quatre ans.
La vie d’Isidore Ducasse, auteur dont le succès fut posthume, reste relativement mal connue, par manque de sources.
Fils de François Ducasse, commis-chancelier au Consulat général de France à Montevideo,
et de Jacquette Célestine Davezac, qui décéde le 9 décembre 1847 dans
des circonstances mystérieuses (elle se serait suicidée), Isidore
Ducasse passe son enfance en Uruguay. En octobre 1859, il entre comme
interne au lycée impérial de Tarbes.
On perd sa trace entre août 1862 et octobre 1863, période durant
laquelle il suit les cours de l’établissement qui deviendra le lycée Louis-Barthou à Pau, « où il est un élève des plus ternes ».
À cette époque, son tuteur est un avoué tarbais, Jean Dazet. En août
1865, il obtient son baccalauréat ès lettres avec la mention
« passable ».
Après un voyage en Uruguay en 1867, il arrive à Paris et s’installe à l’hôtel L’Union des Nations, rue Notre-Dame-des-Victoires. Il entame des études supérieures dont la nature reste inconnue (concours d’entrée à l’École polytechnique, a-t-on souvent écrit). Il publie à compte d’auteur et anonymement le premier des Chants de Maldoror en 1868 (l’œuvre complète sera imprimée en Belgique un an plus tard, signée « Comte de Lautréamont »). En 1870, il habite rue Vivienne et, reprenant son nom d'État-civil, publie deux fascicules intitulés Poésies dont une publicité paraîtra dans la Revue populaire de Paris.
Le 24 novembre 1870, alors que le Second Empire s’effondre, il meurt à son domicile au 7 rue Faubourg-Montmartre. Sur son acte de décès, est écrit : « Sans autres renseignements ». Selon certaines sources, il serait mort phtisique.
Les Chants de Maldoror sont un ouvrage en prose, composé de six parties (« chants ») et
publié en 1869
par Isidore Ducasse sous le pseudonyme de Comte de Lautréamont. Le livre ne raconte pas
une histoire unique et cohérente, mais est constitué d'une suite d'épisodes
dont le fil conducteur est la présence de Maldoror, personnage maléfique doué
de pouvoirs surnaturels.
Le premier des Chants de Maldoror a été publié à compte d'auteur en 1868, et l'œuvre complète a été imprimée en Belgique
un an plus tard, pour le compte de l'éditeur Albert Lacroix,
qui refuse de mettre l'ouvrage en vente, par crainte de poursuites judiciaires.
Les Chants de Maldoror ont connu un succès tardif. En 1874, les
exemplaires de l'édition originale des Chants sont rachetés par le
libraire-éditeur tarbais J.-B. Rozez, installé en Belgique. En 1885, Max Waller,
directeur de la Jeune Belgique, en publie un extrait et les
fait découvrir. Isidore Ducasse publie seulement deux autres ouvrages par la suite, Poésies
I et Poésies II.
Interprétation
Maldoror incarne la révolte adolescente et la victoire de l'imaginaire sur le réel.
Il est difficile de ne pas être pris de vertige à la lecture des Chants, dans ce
monde en perpétuelle mouvance. On ne peut en dissocier le fond et la forme, le
récit et le style, et certaines pages font penser aux toiles les plus
hallucinantes de Jérôme Bosch et à Arcimboldo :
en effet Maldoror (ou plutôt Lautréamont) se compare à une bûche pourrie, il
substitue ses divers organes à des animaux; ainsi sa "verge" est
substituée par une vipère, sur sa nuque pousse un large "champignon aux
pédoncules ombilifères", etc... Mais la révolte est dérisoire et
Lautréamont use aussi de tous les procédés de distanciation pour se nier
lui-même. Une veine bouffonne, qui contraste avec le « soleil noir »
du satanisme
apparent, traverse l'œuvre : parodie du naturalisme ou du romantisme
le plus échevelé, lieux communs, apostrophes moqueuses au lecteur, ironie
sarcastique... Toutes les formes d'humour sont réunies et marquent le mépris de
l'auteur pour ce qu'il raconte. Capable des plus beaux poèmes, il en ricane et
force le lecteur à en rire avec lui. C'est l'adolescent qui prend une revanche
sur la misère humaine du siècle, en devenant le héros d'un conte où s'effacent
les barrières qui emprisonnent l'homme. Dans le jeu, tout est permis:
ardente ferveur, joyeuse férocité et métamorphose.
Par ailleurs l'assimilation et les références à des poèmes, des œuvres et
des thèmes dont celui du roi déchu, le "Lion devenu vieux" de la
fontaine, dans l'épisode qui amène Dieu saoul parmi les hommes (le chant 3),
des découpages de textes d'œuvres encyclopédiques dont le célébrissime parapluie
sur une table de dissection, de parodies d'œuvres de Victor Hugo et des
romantiques (chant1), de Goethe, de Sophocle et Euripide (Poésie 1 et 2) etc...
mènent à un monstre textuel animal, voir à un "vampire" qui tire sa
force d'autre textes. Le texte de Lautréamont devient alors le lieu de
résonance, de métaphores filées, qui de par un manque de cohérence apparente
(en effet les chants ne sont liés ni par chronologie, ni par thème) ouvre sur
un monde incompréhensible (pour décrire Lautréamont utilise un lexique
compliqué et scientifique un jargon qui va des "couches minérales
extraites de la terre" dans le quatrième chant aux "extraordinaires
formes qu'elle ne lui avaient imposée ce supplice" (chant 4) comparée à
"des coups de barre de fer" sur son crâne (chant1). Il ne s'agit donc
plus d'une victoire sur le réel mais aussi a une transcendance du monde et à un
retour, à une vie primitive avec un langage désarticulé de par le jargon
utilisé, où Lautréamont redevient un 'chaman littéraire' avec des visions, d'un
"retour" vers la "seule vraie" poésie (poésie), qui œuvre
par résonance au monde (ici c'est l'intertextualisation de la littérature qui
remplace le chant) et par assimilation sans limite et perpétuelle (la morale et
la raison sont dépassées; avec les passages du "pédérastes à l'anus
undubiliforme" et les divers récits de visions de prostituées accompagnées
de coqs et perpétuel grâce à une ménagerie entière d'hybrides) ; le texte
devient donc des chants, un "univers à l'intérieur d'univers", infini,
qui finit sur l'inauguration du lecteur à "aller voir" son monde
miroir (fin du chant 6), réalisant donc le projet inachevé de Verlaine: celui
de mettre en lien direct l'auteur avec le cosmos.
Le nom même du héros, Maldoror, est sujet à interprétation. On peut
notamment y voir les mots « en mal d'aurore », « mal »,
« horror », « dolor » (douleur en espagnol, langue parlée
par Isidore Ducasse, né à Montevideo en Uruguay). Ces noms font référence à la profonde noirceur du
personnage et son amour apparent du « mal ».
Influence
Les Chants de Maldoror était un
ouvrage de référence pour Amedeo Modigliani,
qui gardait un recueil en permanence auprès de lui. L'ouvrage a aussi exercé
une influence fondamentale sur le surréalisme.
Redécouverte d'abord par Philippe Soupault
(en 1917), puis Louis Aragon et André Breton,
l'œuvre de Lautréamont ne cessera d'être revendiquée comme livre précurseur du
mouvement.
Texte:
http://www.maldoror.org/chants/index.html
No hay comentarios:
Publicar un comentario