André Malraux
(1901-1976)
"Servi par une mémoire prodigieuse
et par l'intelligence la plus vive, comblé de dons par toutes les fées, Malraux
est l'homme de trois dieux, aimés inégalement : l'art, la révolution et le
général de Gaulle." Jean d'Ormesson
Pour beaucoup d'écrivains, l'enfance
fait l'objet d'une introspection nostalgique ou émerveillée. André Malraux,
lui, a mis toute son énergie à l'oublier : " Presque tous les
écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne"
écrira-t-il dans ses Antimémoires en 1967. Il n'aimait guère, non
plus, que l'on fouille ce "tas de petits secrets" qu'est la vie d'un
homme... Aussi s'emploiera-t-il à brouiller les pistes concernant sa propre
existence.
Rien ne prédestinait ce jeune
banlieusard sans fortune, né en 1903, au pied de la butte Montmartre à devenir
l'un des géants français du vingtième siècle. Elevé, du fait de la séparation
de ses parents, par trois femmes, sa grand-mère, sa mère et sa tante, il
découvrira d'abord le monde au travers des livres et des musées. Doué d'une
grande curiosité et d'une mémoire prodigieuse, il devient "chineur"
pour un libraire-éditeur parisien, et s'immisce ainsi dans les milieux
littéraires et artistiques de l'avant-garde. Malraux se passionne pour la
peinture cubiste. Un grand marchand de tableau, qui est aussi éditeur,
Kanhweiler, éditera en 1921 le premier livre de Malraux : Lunes en papier.
Puis Malraux rencontre Clara
Goldschmidt, riche héritière d'une famille allemande émigrée. La jeune fille
est immédiatement séduite par ce garçon élégant à l'intelligence brillante et
aux propos pétillants. Fiançailles, mariage. Malraux place la fortune de son
épouse en bourse. Les entreprises minières mexicaines dans lesquelles il a tout
misé, ne tiendront pas leur promesse. Le couple est ruiné.
Pour se reconstituer rapidement un
patrimoine, André Malraux prend l'étrange décision d'aller s'emparer de
quelques statues khmères dans la jungle cambodgienne pour les revendre ensuite
en occident. L'expédition est un désastre. A la veille de Noël 1923, le couple
est arrêté à Phnom-Penh. André Malraux est condamné à trois ans de prison
ferme. Clara Malraux, elle, bénéficie d'un non lieu et parvient à rentrer en
France. Elle réussira, en mobilisant une vingtaine de grands écrivains français
à faire libérer son mari.
Mais ce séjour asiatique lui a
donné le virus de l'aventure et a révélé son intérêt pour l'action politique.
Malraux retourne en Asie. Ses positions anti-coloniales lui valent quelques
démêlés avec la justice. Rédacteur en chef d'une publication clandestine, L'Indochine
enchaînée, Malraux suit avec un regard attentif les événements de la
révolution chinoise, notamment le soulèvement de Canton (1925). Revenu en
France, il publie ses premiers romans : La Tentation de l'Occident (1926) ,
Les Conquérants (1928) , La Voie royale (1930, prix Interallié). La condition humaine lui
vaut le prix Goncourt en 1933.
Son goût de l'action et ses convictions
anti-fascistes poussent Malraux à participer à la guerre civile espagnole aux
côtes des républicains en 1936. Ces événements lui inspireront un grand roman :
L'Espoir ( 1937) et un film ( Sierra de Terruel, 1939)
Durant la seconde guerre mondiale,
Malraux entre tardivement dans la résistance ( en 1943) sous le nom de colonel
Berger. Il éprouve de grandes difficultés, tant auprès des résistants
gaullistes que communistes, qui le considèrent comme un transfuge tardif. En
juillet 1944, sa voiture tombe dans une embuscade à Toulouse : blessé, Malraux
est arrêté, interrogé, et transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Il ne
doit sa libération, en août, qu'à un départ précipité des allemands.
En 1945, il rencontre le Général de
Gaulle. Un grande admiration réciproque se crée entre les deux hommes. Malraux
accepte de devenir son conseiller technique à la Culture et devient un éphémère
ministre de l'Information (novembre 1945 à janvier 1946).
Il ne quittera plus le Général de
Gaulle. Lors de son retour aux affaires en 1958, il devient Ministre d'Etat
chargé des Affaires culturelles. Le militant révolutionnaire s'est mué en
militant gaulliste. Sa diction magnétique et haletante résonne pour longtemps
dans nos mémoires : l'oraison funèbre de Braque et le transfert des cendres de
Jean Moulin au Panthéon...
Malraux publiera encore La Voix du
Silence (1951), La Métamorphose des dieux (1957-1976), et les
Antimémoires (1967).
En 1970, il publie les Chênes que
l'on abat, un dernier hommage au général de Gaulle disparu, dont il était
resté le plus proche des compagnons.
Il meurt en 1976, à l'hôpital
Henri-Mondor de Créteil, suite à une congestion pulmonaire.
Malraux est un personnage que l'on a eu
trop tendance à statufier . Sans doute le livre d'Olivier Todd ("André
Malraux. Une vie", Biographie d'Olivier Todd, Gallimard, avril 2001)
, qui va ébranler ce monument trop vénéré, sera-t-il salutaire ?
Jean d'Ormesson écrivait d'ailleurs, il
y a quelques années, dans son dictionnaire de la Littérature française : "Le
risque pour Malraux est de voir son œuvre étouffée par sa vie tumultueuse. Le
Panthéon est un triomphe, mais ce n'est pas au Panthéon, c'est dans le cœur et
la mémoire que survivent les écrivains."
En dévoilant les mensonges et les
points faibles de Malraux, Olivier Todd, comme l'écrit Angelo Rinaldi,
"humanise" la statue ; et c'est tant mieux.
Biographie
d'André Malraux
1901
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André Malraux naît à Paris le
3 novembre. Son père, Fernand Malraux, est originaire de Dunkerque, où il est
né en 1875. Son grand-père paternel, armateur, est évoqué dans Les Noyers
de l'Altenburg et dans Le Miroir des limbes.
La mère d'André Malraux, Berthe Lamy est originaire de la région parisienne (elle est née en 1877). Les grands parents maternels d'André Malraux étaient boulangers à Saint-Maur-des-Fossés. |
1902
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En décembre, naissance du
petit frère d'André Malraux, Raymond-Fernand, qui ne vivra que trois mois.
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1905
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Séparation des parents d'André
Malraux. Sa mère s'installe chez sa propre mère, à Bondy. Celle-ci y tient
avec sa seconde fille, Marie Valentine, une épicerie. André Malraux vivra
jusqu'en 1920 avec sa grand-mère, sa mère et sa tante dans cette maison à un
étage (l'épicerie étant située au rez-de-chaussée).
André Malraux ne gardera pas un très bon souvenir de son enfance : " Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne" ( Antimémoires, 1967) |
1910
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André Malraux passe ses
vacances d'été chez ses grands-parents à Dunkerque. Il lit Alexandre Dumas.
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1912
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Le père d'André Malraux s'est
remarié. Naissance de Roland Malraux, son premier demi-frère.
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1914
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André Malraux obtient son
certificat d'études primaires
En septembre, il visite avec ses camarades de classe le champ de bataille de la Marne. Trop jeune pour aller combattre, il vivra la guerre au travers de l'expérience de son père, sous lieutenant dans les chars. Il commence à aller au théâtre, et s'évade en lisant Hugo et Flaubert. |
1916
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André Malraux assiste à une
représentation du Cid à la Comédie française. Il commence à
fréquenter concerts et expositions et s'essaie, sans grand succès, à la
peinture.
Il est alors élève au lycée Turgot. Bien que moyen en composition française, il se passionne au-delà des romanciers et des poètes français pour la littérature russe, notamment, Tolstoï et Dostoïevski. |
1918
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Face au refus du lycée
Condorcet de l'inscrire, il abandonne les études secondaires. Son amour de la
lecture lui permet de se passionner pour Corneille, Hugo, Flaubert,
Nietzsche, Tolstoï, Dostoïevski, Michelet, Baudelaire, Loti, Barrès … et de
devenir un véritable bibliophile. Il commence à gagner sa vie grâce à ses
activités de chineur chez les bouquinistes.
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1919
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Il travaille pour le compte de
René-Louis Doyon, qui tient la librairie La Connaissance. C'est
grâce à cette activité qu'il entre en contact avec le poète Max Jacob.
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1920
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René-Louis Doyon lance sa
revue, La Connaissance, et ouvre ses colonnes à André Malraux. Ce
dernier publie un premier article consacré à la poésie cubiste.
André Malraux côtoie les milieux artistiques et littéraires parisiens : Paul Morand, Jean Cocteau, Raymond Radiguet, André Salmon, Max Jacob, André Suarès, Pierre Reverdy, Vlaminck, Derain, Léger… René-Louis Doyon lance également une activité d'éditeur à laquelle Malraux collabore. Il publie aussi des articles dans la revue d'avant-garde, Action, de Florent Fels, notamment sur les Chants de Maldoror de Lautréamont, Les Champs magnétiques de Philippe Soupault et La Négresse du Sacré-Coeur d'André Salmon. Le libraire Simon Kra lui confie la direction artistique des Éditions du Sagittaire ; il y publiera notamment : Le Livret de l'imagier de Remy de Gourmont et Carnet intime de Laurent Tailhade. Ces activités permettent à Malraux de quitter le pavillon de Bondy pour s'installer à Paris. |
1921
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Max Jacob le présente au
marchand de tableaux Kanhweiler, qui engage Malraux comme éditeur à la
Galerie Simon. Malraux travaille alors à la publication de textes de Max
Jacob, de Vlaminck, de Radiguet et de Reverdy.
Malraux publie Lunes en papier, son premier livre aux éditions de la Galerie Simon. Il rencontre Clara Goldschmidt à un dîner organisé par Florent Fels. Ils partent ensemble fin juillet en Italie : Florence, puis Venise. Ils doivent rentrer prématurément en août faute d'argent. Ils profitent de ce voyage pour télégraphier leurs fiançailles à la mère de Clara. André Malraux et Clara Goldschmidt se marient en octobre à Paris, puis partent en voyage à Prague et à Vienne. Ils passent les fêtes de fin d'année à Magedbourg, berceau de la famille de Clara. |
1922
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André Malraux et Clara Goldschmidt
poursuivent leur voyage vers Berlin; ils y découvrent l'expressionnisme
allemand. André Malraux entame une collaboration avec la NRF. Il
publie notamment un compte rendu sur L'Art poétique de Max Jacob.
Le couple Malraux voyage en Tunisie et en Sicile. |
1923
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André Malraux parvient à
échapper au service militaire, en se faisant réformer.
André Malraux qui avait placé la fortune de son épouse en bourse doit faire face à l'effondrement des valeurs mexicaines qui constituaient la majorité de son portefeuille boursier. Le couple est ruiné. Pour se reconstituer rapidement un patrimoine, André Malraux prend l'étrange décision d'aller s'emparer de quelques statues khmères dans la jungle cambodgienne pour les revendre ensuite en occident. L'expédition qui est montée avec Louis Chevasson, l'ami d'enfance, sera un désastre. Ils embarquent en octobre sur l'Ankgor. À la mi-décembre, ils arrachent sept pierres au temple de Banteaï-Srei . ils les emballent et les emportent sur des charrettes. De retour à Phnom-Penh, à la veille de Noël, ils sont arrêtés après la fouille de leurs bagages et assignés à résidence. |
1924
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André Malraux est condamné en
juillet à trois ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de
Phnom-Penh. Clara Malraux, elle, bénéficie d'un non lieu et parvient à
rentrer en France. Elle réussit avec l'aide de Marcel Arland à réunir les
signatures d'une vingtaine d'écrivains au bas d'une pétition qui paraît dans Les
Nouvelles Littéraires le 6 septembre (Gide, Mauriac, Breton, Aragon,
Gallimard, Max Jacob…). En octobre, la cour d'appel de Saigon réduit la peine
de prison d'André Malraux et l'assortit d'un sursis.
André Malraux rentre en France en Novembre. |
1925
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Avant de repartir pour Saigon,
André Malraux signe un contrat pour trois livres avec l'éditeur Bernard
Grasset.
Le couple Malraux fonde, à Saigon, avec l'avocat Paul Monin, L'Indochine , un journal d'opposition au gouvernement colonial. Le premier numéro de L'Indochine sort en juin ; Ce journal paraît jusqu'au 14 août. Sa parution doit cesser du fait des pressions du gouverneur sur les imprimeurs locaux. André Malraux et ses amis parviennent à acheter des caractères d'imprimerie à Hongkong, et feront paraître L'Indochine enchaînée de fin novembre 1925 à janvier 1926. Malade , André Malraux doit rentrer en France. Il s'embarque pour la France le 30 décembre. De ce séjour en Indochine il garde à la fois l'expérience de son combat contre la société coloniale et le goût d'un journalisme engagé. |
1926
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Sur le bateau du retour, André
Malraux commence à rédiger les premiers fragments de La Tentation de
l'Occident, qui paraîtra en juillet chez Grasset. Cet "essai-roman
" est un récit épistolaire entre un jeune occidental et un jeune
oriental : le français A.D qui découvre l'Asie échange ses impressions avec
le chinois Ling, qui lui, visite l'Europe.
André Malraux, fait maintenant figure, en France, de spécialiste de l'Extrême Orient |
1927
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André Malraux doit garder le
lit pendant près de trois mois, en raison d'une grave crise de rhumatisme
articulaire.
Il publie en mars, chez Grasset, son essai : D'une jeunesse européenne. Il travaille à son roman Les Conquérants, qu'il publiera en 1928. Il continue de rédiger des comptes rendus à la N.R.F. |
1928
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André Malraux signe un contrat
chez Gallimard, et entre au comité de lecture .
Parution de : Les Conquérants chez Grasset et de Royaume-Farfelu chez Gallimard. Il commence à travailler au manuscrit de La Voie royale. |
1929
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Il devient directeur
artistique chez Gallimard, où il crée la collection des Mémoires révélateurs
Il va effectuer, de 1929 à 1931, avec Clara, plusieurs voyages en Orient. Au printemps, ils partent pour la Perse. Ils passent par Naples, Constantinople et Bakou . Ils reviendront en passant par l'Irak, la Syrie et Beyrouth. |
1930
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Parution de La Voie royale
(Grasset), qui obtient le prix Interallié. Ce roman
tiré de l'expérience de Malraux dans la forêt cambodgienne, conte les
aventures "métaphysiques" de Claude Vannec, archéologue, et de
l'énigmatique Perken, ancien agent secret. Ces deux personnages effectuent un
voyage " au bout de la nuit", à la recherche d'un autre aventurier,
perdu dans la région proche des temples.
Malraux édite Calligrammes d'Apollinaire et crée la Galerie de la N.R.F En décembre, suicide par asphyxie de son père. |
1931
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André Malraux organise
plusieurs expositions à la Galerie de la N.R.F. sur l'art gothico-bouddhique,
l'art indo-hellénistique, et l'art des nomades de l'Asie centrale.
La N.R.F. d'avril publie La Révolution étranglée, article de Trotski sur Les Conquérants, suivi de la réponse d'André Malraux. En mai, nouveau voyage de Clara et André Malraux en Asie. Ils vont à Ispahan, puis en Afghanistan et en Inde. Grâce à Gaston Gallimard qui finance ce voyage, celui-ci se transforme en tour du Monde : Birmanie, Singapour, Hongkong, Chine, Japon, Canada, et Etats-Unis. Ils rentrent en France en décembre. |
1932
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Mort de la Mère d'André
Malraux en mars
Il rencontre Josette Clotis Il travaille à la rédaction de La Condition humaine et s'installe au 44, rue du Bac. |
1933
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En mars naissance de Florence
Malraux
En avril parution de La Condition humaine en volume chez Gallimard . Il obtient le prix Goncourt fin 1933. André Malraux s'engage dans la lutte contre le fascisme. Il prend la parole lors de la première réunion de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires présidé par André Gide et prend la défense de Dimitrov, accusé de l'incendie du Reichstag. En août, il rencontre Trotski. Il a une brève liaison avec Louise de Vilmorin qu'il retrouvera dans les années soixante. Il commence à partager sa vie entre Clara et Josette Clotis. |
1934
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En janvier, André Malraux se
rend à Berlin avec André Gide pour tenter d'obtenir la libération de
Dimitrov. Il participe à toutes les manifestations en faveur de sa
libération.
Il se lance dans une nouvelle aventure périlleuse. En mars, il part reconnaître en avion, avec le capitaine Corniglion-Molinier, le site de Mareb, la capitale légendaire de la reine de Saba au Yémen. Ils survolent les ruines le 7 mars et, sur le chemin de retour, sont reçus par l'empereur Haïlé-Sélassié à Addis-Abeba. De juin à septembre, Clara et André Malraux sont en Union soviétique ; il accorde des entretiens à la Pravda . Lors de ce séjour, il rencontre Staline, Gorki, Eisenstein, et Pasternak. Il assiste en août au Congrès des écrivains; il y prononce le discours L'art est une conquête. Il commence à rédiger Le Temps du Mépris. |
1935
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En mai , il publie Le
Temps du Mépris chez Gallimard. Ce livre dédié aux victimes du nazisme,
ouvre un nouveau cycle romanesque. Malraux a décidé cette fois de combattre
les fascismes.
André Malraux organise, avec André Gide, le Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, au Palais de la Mutualité. |
1936
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En mars, il fait un bref
séjour en Union soviétique et rencontre Gorki peu avant sa mort.
Dès le début de la guerre civile espagnole, il apporte on soutien aux républicains. Il participe à plusieurs combats aériens à la tête de l'escadrille España qu'il commande. Il participe au bombardement d'une colonne nationaliste à Medellín et à la destruction d'un terrain d'atterrissage à Olmedo. |
1937
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En février, il participe à une
dernière mission pour protéger les réfugiés de Málaga puis il rentre à Paris.
Il part aux États-Unis pour une tournée de conférences destinée à aider financièrement la République espagnole. Il se rend ainsi successivement à New York, Philadelphie, Washington, Hollywood, San Francisco, Toronto et Montréal. Il travaille à son roman L'Espoir, qu'il terminera à l'automne. De retour à Paris, il participe en juillet au congrès des écrivains pour la défense de la culture puis séjourne dans les Pyrénées avec Josette Clotis. L'Espoir parait en décembre. |
1938
|
Clara et André Malraux se
séparent.
Il travaille à la préparation du film Sierra de Teruel. Il commence, fin juillet, le tournage à Barcelone. Le tournage se poursuit à Tarragone et dans la sierra de Montserrat. |
1939
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En janvier, l'équipe du film Sierra
de Teruel doit évacuer Barcelone investie par les nationalistes. Il leur
faudra terminer le tournage en France ( Joinville et Villefranche de
Rouergue). Le film sera projeté trois fois pendant l'été avant d'être censuré
en septembre. Il obtiendra après la guerre le prix Louis Delluc sous le titre
l'Espoir.
Surpris par la déclaration de guerre, et le pacte germano-soviétique, qu'il se refuse à dénoncer, il tente en vain de s'engager dans une unité de chars. |
1940
|
Il travaille à Mayrena
second volet des Puissances du désert (dont La Voie royale
constitue le premier volume) et à La Psychologie de l'art, tandis
que Verve publie son Esquisse d'une psychologie du cinéma.
Il parvient enfin à s'engager dans l'armée française comme soldat de deuxième classe. En avril, il est incorporé au dépôt de cavalerie motorisée de Provins. Il est fait prisonnier dès le mois de juin et interné dans la cathédrale de Sens. D'août à octobre, il peut travailler à Collemiers; il sera tour à tour moissonneur, bibliothécaire, bûcheron et instituteur. Il commence à écrire Les Noyers de l'Altenburg. En Novembre, grâce à son demi-frère Roland, André Malraux s'évade en compagnie du poète Jean Grosjean et de Jean Beuret et arrive en zone libre. Le même jour , Josette met au monde à Neuilly, leur premier fils, Pierre-Gauthier. La nouvelle famille va s'installer dans le midi. André Malraux reprend contact avec les écrivains installés sur la Côte d'Azur : Gide, Martin du Gard, Berl … |
1941
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André Malraux reste méfiant
face à l'influence des communistes sur la résistance. C'est pourquoi malgré
les visites de Wildé, d'Astier, Bourdet, Stéphane, Sartre et Beauvoir qui le
pressent de s'engager contre l'occupant , il refuse de le faire.
André Malraux se consacre à la rédaction de deux récits Le Règne du malin et Le démon de l'Absolu , ouvrages restés inachevés et qui ne seront publiés qu'après sa mort. Il travaille également aux Noyers de l'Altenburg. |
1942
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Après un séjour en septembre
dans l'Allier, où il prend peut-être un premier contact avec des réseaux
résistants, il s'installe dans le Cantal où Josette Clotis le rejoint avec
leur fils.
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1943
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En mars, Josette met au monde
leur second fils, Vincent.
Roland , le demi-frère d'André Malraux, le présente au réseau de résistance auquel il appartient. Parution des Noyers de l'Altenburg ( Lausanne). André Malraux consacre la majorité de son temps à l'écriture du Démon de l'Absolu. |
1944
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André Malraux rentre en
résistance au printemps sous le pseudonyme de colonel Berger.
Ses deux frères, Claude et Roland, résistants de la première heure, sont arrêtés. Roland est conduit au camp de concentration de Neuengamme en Allemagne. Il meurt le 3 mai 1945 lors du naufrage du Cap Arcona. André Malraux qui souhaite fédérer les différents maquis de Corrèze éprouve de grandes difficultés, tant auprès des résistants gaullistes que communistes (ils le considèrent comme un transfuge tardif). André Malraux ne parvient à s'imposer que dans un groupe d'Alsaciens. En juillet, sa voiture tombe dans une embuscade à Toulouse : blessé, il est arrêté, interrogé, et transféré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Il ne doit sa libération, en août, qu'à un départ précipité des allemands. En septembre il prend le commandement de la Brigade Alsace-Lorraine, et s'engage activement dans la bataille des Vosges. Le 12 Novembre, Josette Clotis meurt accidentellement , les jambes broyées par un train. La Brigade Alsace-Lorraine participe activement à la libération de Strasbourg. |
1945
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André Malraux s'installe avec
sa belle-sœur Madeleine (l'épouse depuis janvier 43 de son frère Roland), le
fils de Madeleine, Alain, (né en juin 44), et ses deux fils à lui, dans un
appartement à Boulogne-Billancourt.
En août, André Malraux rencontre le Général de Gaulle. Il se crée une grande admiration réciproque entre les deux hommes. Malraux accepte de devenir son conseiller technique à la culture et devient un éphémère ministre de l'Information ( novembre 1945 à janvier 1946). André Malraux confie la direction de son cabinet à Raymond Aron. Le film Sierra de Teruel, rebaptisé Espoir, est à nouveau projeté en salle à partir d'août et reçoit le prix Louis Delluc en décembre. |
1946
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En janvier, son divorce avec
Clara est prononcé. Fin de l'expérience ministérielle , André Malraux restera
fidèle au Général de Gaulle pendant sa traversée du désert (jusqu'en 1958).
En novembre, André Malraux prononce un discours à la Sorbonne pour la naissance de l'Unesco. |
1947
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Un Volume de ses Romans
parait dans la bibliothèque de la Pléiade.
Le Général de Gaulle crée le Rassemblement du Peuple Français (RPF) , André Malraux prend la direction du service de presse. C'est lui qui organise les interventions publiques du Général. André Malraux prononce un discours au premier meeting du RPF au Vélodrome d'hiver en juillet. Parution du premier volume ( il y en aura 3) de La Psychologie de l'art : Le musée imaginaire . |
1948
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André Malraux prononce en
mars, à la salle Pleyel, une conférence: Appel aux intellectuels ,
qui deviendra la postface des Conquérants.
Il épouse Madeleine, la veuve de son demi-frère Roland Malraux. Il publie le deuxième volume de La Psychologie de l'art (La Création artistique) et Les Noyers de l'Altenburg. |
1949
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Il collabore à la revue
mensuelle du RPF, Liberté de l'esprit, dirigée par Claude Mauriac.
Il publie le troisième volume de La Psychologie de l'art (La Monnaie de l'absolu). |
1950
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André Malraux travaille à une
seconde version de La Psychologie de l'art.
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1951
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André Malraux publie Les
Voix du silence, nouvelle version modifiée de La Psychologie de
l'art.
Il travaille à un ouvrage consacré à la sculpture. |
1952
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Il abandonne ses activités au sein
du RPF.
Parution du premier volume du Musée imaginaire de la sculpture mondiale (La Statuaire). Il voyage avec Madeleine en Grèce, en Égypte et en Iran. |
1953
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Il se consacre à la suite du Musée
imaginaire,
Il collabore au Malraux par lui-même de Gaëtan Picon. Pendant l'été, il se rend à Lucerne avec Madeleine, son épouse. |
1954
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André Malraux est invité à New
York avec son épouse, pour l'inauguration des nouvelles galeries du
Metropolitan Museum.
En été, il voyage en Italie : à Florence, en Toscane et en Ombrie. Parution du deuxième volume du Musée imaginaire. Il accorde plusieurs entretiens à L'Express. |
1955
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Parution du troisième volume
du Musée imaginaire.
Il voyage avec Madeleine en Égypte. Il travaille à la suite des Voix du silence, intitulée La Métamorphose des dieux. |
1956
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Discours à Stockholm pour le
350e anniversaire de la naissance de Rembrandt.
Il voyage à Rome et en Sicile avec son épouse et Alain. Il travaille à La Métamorphose des dieux. |
1957
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Parution, en novembre, du
premier tome de La Métamorphose des dieux.
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1958
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André Malraux adresse avec
plusieurs écrivains (Martin du Gard, Mauriac et Sartre) une lettre au
Président de la République contre la torture en Algérie.
En juin, il devient Ministre de l'Information du Général de Gaulle. En juillet, il est chargé de l'expansion et du Rayonnement de la Culture française. Il prononce trois grands discours : en juillet (Fête Nationale), août (Anniversaire de la Libération de Paris) et septembre (Référendum sur la nouvelle constitution). |
1959
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Malraux devient ministre
d'État chargé des affaires culturelles en janvier.
Discours à Athènes Hommage à la Grèce pour la première illumination de l'Acropole . Tournée en Amérique du Sud en août et septembre, Malraux visite le Brésil, le Pérou, le Chili, l'Argentine et l'Uruguay. En octobre, il assiste avec le Général de Gaulle à la première de Tête d'Or, créé par la compagnie Renaud-Barrault, au Théâtre de France. |
1960.
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Malraux prononce un discours à
l'occasion de l'Indépendance des colonies d'Afrique noire.
Malraux rompt avec sa fille Florence, suite à la signature par celle-ci du manifeste des 121, en faveur de l'insoumission des jeunes appelés en Algérie. Ils ne se réconcilieront qu'en 1968. Malraux voyage au Mexique, prend part à la campagne de sauvegarde des monuments de Nubie (discours à l'Unesco). |
1961
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Mort accidentelle de ses deux
fils, Vincent et Gauthier, tués dans un accident de voiture sur une route de
Bourgogne : ils ont dix-huit et vingt ans.
|
1962
|
En février, son domicile est
plastiqué, sans doute par l'OAS. Malraux s'installe quelques mois plus tard
avec Madeleine et Alain à Versailles.
Le 4 août est adoptée par le Parlement la loi dite loi Malraux assurant la sauvegarde des quartiers anciens et la création des maisons de la culture. Il commande à Chagall un nouveau plafond pour l'Opéra de Paris. |
1963
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Malraux prononce en janvier,
en présence du président Kennedy , un discours pour l'exposition de La
Joconde à la National Gallery de Washington.
En septembre, il prononce l'oraison funèbre de Georges Braque. Malraux commande le nouveau plafond de l'Odéon à André Masson. |
1964
|
Inauguration de la Maison de
la culture de Bourges par le Général de Gaulle
Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Malraux y prononce un discours resté célèbre : "Entre ici, Jean Moulin..." |
1965
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Fin juin, il embarque avec
Albert Beuret sur Le Cambodge à destination de l'extrême-orient.
Début août, il est en Chine, où il rencontre Mao Tsé Toung. Funérailles de Le Corbusier, il prononce son éloge funèbre dans la Cour carrée du Louvre. |
1966
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Malraux inaugure la maison de
la culture d'Amiens en mars.
Inauguration du 1er festival mondial des arts nègres à Dakar, en compagnie de Senghor. Il organise la rétrospective Picasso aux Grand et Petit Palais. Madeleine et André malraux se séparent. Pour lutter contre une profonde solitude , il se consacre complètement à la rédaction des Antimémoires. |
1967
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En septembre, parution des Antimémoires
. Malraux multiplie les interviews.
Il travaille à la suite des Antimémoires. Il se rapproche de Louise de Vilmorin |
1968
|
Malraux se rend en U.R.S.S. en
mars et se réconcilie avec sa fille Florence.
|
1969
|
Il prononce ses derniers
discours politiques pour le Oui au référendum. Suite à la démission du
Général de Gaulle, il s'installe à Verrières-le-Buisson avec Louise de
Vilmorin .
Il signe aux côtés de Mauriac et de Sartre une pétition en faveur de Régis Debray, détenu en Bolivie. Il rend une dernière visite à Colombey au Général de Gaulle, qui mourra l'année suivante. Mort de Louise de Vilmorin. |
1970
|
Il travaille à la rédaction
des Chênes qu'on abat...
Malraux préface les Poèmes de Louise de Vilmorin. Mort du Général de Gaulle. |
1971
|
Parution de : Les Chênes
qu'on abat...
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1972
|
En février., Malraux est
invité par Richard Nixon à Washington qui le consulte avant de se rendre en
Chine.
En avril diffusion de la première série d'émissions La légende du siècle (réalisées par Françoise Verny et Claude Santelli). Début novembre, Malraux est victime d'un grave malaise. Il est hospitalisé à la Salpêtrière. |
1973
|
En avril , Malraux se rend au
Bangladesh en compagnie de Sophie de Vilmorin.
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1974
|
Parution de La tête
d'obsidienne.
Malraux soutient la candidature de Jacques Chaban-Delmas aux élections présidentielles. Il séjourne au Japon et à New Delhi avec Sophie de Vilmorin. Parution de L'Irréel, seconde partie de La Métamorphose des dieux, et de Lazare ( méditation sur la vie et la mort suite au grave malaise dont il fut victime en novembre 1972). |
1975
|
Il inaugure en janvier le
centre culturel André-Malraux à Verrières-le-Buisson.
En mai, il prononce un discours à la Cathédrale de Chartres pour le trentième anniversaire de la libération des camps de concentration. Parution de Hôtes de passage en octobre. |
1976
|
Parution de L'Intemporel,
tome II de La Métamorphose des dieux .
En octobre, les Antimémoires et leurs suites entrent dans la bibliothèque de la Pléiade sous le titre Le Miroir des limbes. En novembre, il est victime d'une congestion pulmonaire. Il est hospitalisé à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Il y meurt le 23 novembre. Il est inhumé le 24 Novembre à Verrières-le-Buisson. Le 27, il reçoit un hommage national dans la cour carrée du Louvre. |
1977.
|
Parution posthume de L'homme
précaire et la littérature.
Parution de la version définitive du premier volume de La Métamorphose des dieux : Le Surnaturel. |
1996
|
23 Novembre, 20 ans après sa
mort, transfert de ses cendres au Panthéon.
|
Sources bibliographiques :
Malraux, par Jean-Claude Larrat, Balises, Nathan
Dictionnaire de la Littérature française du XXème siècle (Albin Michel, Encyclopaedia Universalis)
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française
La Littérature du XXème Siècle ( Nathan, Collection Henri Mitterand)
Principales oeuvres d'André Malraux
1921
|
Lunes en papier
|
1926
|
La Tentation de l'Occident
|
1927
|
D'une jeunesse européenne
|
1928
|
Les Conquérants
Le royaume farfelu |
1930
|
La Voie Royale
|
1933
|
La Condition Humaine
|
1935
|
Le Temps du mépris
|
1937
|
L'Espoir
|
1943
|
Les Noyers de l'Altenburg
|
1947-49
|
Psychologie de l'Art
|
1951
|
Les Voix du Silence
|
1952-56
|
Le Musée Imaginaire de la
sculpture mondiale
|
1957-76
|
La Métamorphose des Dieux
|
1967
|
Le Miroir des Limbes : tome 1,
les Antimémoires
|
1971
|
Des Chênes qu'on abat
|
1976
|
Le Miroir des Limbes : tome
II, la Corde et les Souris
|
La Condition humaine d'André Malraux
Résumé de la Condition humaine
Ce roman d’André Malraux (1901-1976) a
été publié en extraits dans la Nouvelle Revue française et dans Marianne,
et en volume chez Gallimard en 1933. Il a obtenu le Prix Goncourt.
Contexte historique
En mars 1927, l'Armée
révolutionnaire du Kuomintang sous le commandement de Tchang Kaï-Chek est en marche vers Shanghai. Afin de faciliter la prise de la ville, dont le port
représente un important point stratégique, les cellules communistes de la ville préparent le soulèvement des ouvriers locaux.
Mais inquiet de la puissance de ces derniers et gêné dans sa quête de pouvoir
personnelle, Tchang
Kaï-Chek se retourne contre les communistes. Aidé
en cela par les Occidentaux occupant les concessions, qui espèrent l'éclatement du Kuomintang, et les milieux d'affaires chinois, il fait assassiner le 12 avril 1927 des
milliers d'ouvriers et dirigeants communistes par la Bande Verte, une société criminelle secrète.
La préparation de l’insurrection. Tchen poignarde un trafiquant d’armes et parvient ainsi à s’emparer de ses papiers qui permettront à Kyo et à Katow, ses compagnons, de s’emparer de la cargaison d’armes d’un bateau ancré dans le port. Pour réussir cette opération, les deux révolutionnaires vont bénéficier de la complicité du baron de Clappique. Les armes sont ensuite distribuées à l’ensemble des combattants clandestins cachés à travers la ville. Kyo mène l’inspection de combattants clandestins. Il s’aperçoit en écoutant un message enregistré , que sa propre voix lui parait étrangère. Cette première partie permet également de présenter les principaux protagonistes : Kyo et sa compagne May, Tchen et son maître à penser Gisors, qui est aussi le père de Kyo. Après son meurtre, Tchen vient se confier à Gisors : il se sent séparé du monde des hommes et avoue sa fascination pour « le sang ». Gisors est partagé entre la compréhension inquiète de ses « deux fils » et la fuite dans l’opium qui lui permet de se réconcilier avec lui même.
Deuxième partie (22 mars)
C’est le jour de l’insurrection. Les
troupes du général Tchang Kaï-chek sont sur le point d'entrer à Shanghai.
Ferral, le président de la chambre de commerce française , étudie avec les
autorités locales chinoises les chances de succès de l’insurrection. Finalement
il persuade les milieux d’affaires de soutenir Tchang Kaï-chek. Ferral va
rejoindre ensuite Valérie, sa maîtresse. Celle-ci subit douloureusement
la relation érotique humiliante qu’il lui impose.
Les combats sont très violents .
L’insurrection est victorieuse, mais Tchang Kaï-chek s'oppose aux
révolutionnaires et préfère pactiser avec les forces modérées: il exige des insurgés
qu'ils rendent les armes. Les insurgés s’inquiètent de l’attitude attentiste du
Kouo-Min-Tang . Kyo décide d‘en savoir plus et s’en va demander des
explications à Han-k’eou.
Troisième partie (29 mars)
Kyo s’est rendu à Han-k’eou, où
se trouve la délégation de l’Internationale communiste dont le délégué est
Vologuine. Il souhaite demander au Kominterm l'autorisation de résister au
général et de garder les armes . Il prend conscience que les communistes sont
beaucoup moins forts que ce que l’on espérait à Shanghai. Vologuine lui
indique que la tactique de Moscou est, pour le moment, de laisser faire. Tchen
vient lui aussi à Han-k’eou et rencontre Kyo. Tchen ne voit comme seule
solution que l’assassinat de Tchang Kaï-chek dont il est prêt à se charger.
L’Internationale communiste désapprouve cette démarche mais les laisse
partir. Kyo et Tchen rentrent séparément à Shanghai.
Quatrième partie (11 avril)
A Shanghai la répression bat son plein.
Impliqué dans l’affaire de la cargaison d’armes, Clappique est averti par le
chef de la police. Il lui conseille de quitter la ville. Clappique essaye de
prévenir Kyo que la police a décidé de l’arrêter. Clappique se rend chez Kyo,
mais celui-ci étant absent, il demande à Gisors de l’informer et lui donne
rendez-vous dans un bar de la ville. Tchen, avec deux complices organise sans
succès un premier attentat contre Tchang Kaï-chek. Il se cache ensuite chez son
compagnon Hemmelrich et décide que la prochaine fois, il tentera sa chance ,
seul. Ferral prend conscience que la décision de Tchang Kaï-chek d’écraser
l’insurrection peut servir ses propres intérêts. Il se rend , radieux à un
rendez vous avec Valérie. Mais les deux amants se disputent et Valérie le
ridiculise. Ferral vient alors chercher du réconfort auprès de Gisors. Il prend
conscience de sa solitude et de la vacuité de ses rêves de puissance , mais n’y
renonce pas pour autant.
Kyo se rend au rendez-vous
de Clappique. May, sa compagne, souhaite l’accompagner. Tchen décide de se
jeter avec sa bombe sur la voiture de Tchang Kaï-chek . Geste vain car le
général n’est pas dans sa voiture.
Cinquième partie
Clappique n’est pas à l’heure au
rendez-vous. Kyo et May se font arrêtés . Kyo est jeté en prison. Apprenant
qu’un nouvel attentat a été organisé contre Tchang Kaï-chek , Hemmelrich se
rend à la permanence communiste pour avoir des nouvelles de Tchen. Lorsqu’il
rentre chez lui, il découvre que sa femme et son enfant ont été assassinés dans
des conditions horribles. Il décide alors de participer avec Katow à un ultime
combat contre Tchang Kaï-chek. Il parvient à s’enfuir de justesse. Gisors
obtient de Clappique qu’il intercède auprès du chef de police, auquel il a un
jour sauvé la vie, pour obtenir la libération de Kyo. Cette démarche ne
fait qu’aggraver la situation de Kyo.
Sixième partie
Kyo est jeté dans une prison
répugnante. Il comparait devant König, le chef de police qui a refusé sa
libération. Ce dernier veut absolument faire perdre à Kyo sa dignité : où
il trahit les siens, où il sera livré à la torture . Kyo refuse de collaborer
et rejoint sous le préau, ses camarades communistes qui attendent d’être brûlés
vifs dans la chaudière d’une locomotive. Kyo retrouve Katow. Kyo évite le
supplice en se suicidant avec le cyanure qu’il dissimulait sur lui. Katow, lui
, donne son cyanure à deux jeunes chinois complètement terrorisés par le sort
qui les attend et marche, plein de dignité, vers le supplice . Clappique
parvient à se déguiser en marin et à s’embarquer sur un bateau en partance pour
la France.
Septième partie
A Paris, Ferral a une réunion au
Ministère des Finances mais ne parvient pas à sauver le consortium qu’il
dirigeait en Chine. A Kobé, au Japon, chez le peintre Kama, May vient retrouver
Gisors. Gisors cherche la paix dans l’opium et dans la méditation. May, elle,
malgré sa solitude et son désarroi, souhaite reprendre le combat
révolutionnaire.
« Ce roman réunit tous les
thèmes du premier Malraux. Chacun de ses personnages incarne une attitude
devant la vie et l'action. Mais tous assument leur condition humaine dans ce
qu'elle a à la fois de vil et de sublime, c'est-à-dire de contradictoire. Tous
vivent ce que l'auteur a appelé lui-même «une aventure tragique» et qui
pourrait définir l'ensemble de son œuvre ».
Source bibliographique
La Condition humaine d'André Malraux
Kléber Haedens Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions larousse)
Kléber Haedens Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions larousse)
Incipit
"21 mars 1927. Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même - de la chair d'homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle d'électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l'un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés !
"21 mars 1927. Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même - de la chair d'homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle d'électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l'un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés !
La vague de vacarme retomba : quel embarras de voitures (il y avait encore des embarras de voitures, là-bas, dans le monde des hommes...). Il se retrouva en face de la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit où le temps n'existait plus. Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement : car il savait qu'il le tuerait. Pris ou non, peu importait. Rien n'existait que ce pied, cet homme qu'il devait frapper sans qu'il se défendît - car, s'il se défendait, il appellerait.
Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu’à la nausée, non le combattant qu’il attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu’il avait choisis : sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeur auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté. « Assassiner n’est pas seulement tuer… » Dans ses poches, ses mains hésitantes tenaient, la droite un rasoir fermé, la gauche un court poignard. Il les enfonçait le plus possible, comme si la nuit n’eût pas suffi à cacher ses gestes. Le rasoir était plus sûr, mais Tchen sentait qu’il ne pourrait jamais s’en servir ; le poignard lui répugnait moins. Il lâcha le rasoir dont le dos pénétrait dans ses doigts crispés ; le poignard était nu dans sa poche, sans gaine. Il le fit passer dans sa main droite, la gauche retombant sur la laine de son chandail et y restant collée. Il éleva légèrement le bras droit, stupéfait du silence qui continuait à l’entourer, comme si son geste eût dû déclencher quelque chute. Mais non, il ne se passait rien : c’était toujours à lui d’agir.
Ce pied vivait comme un animal endormi. Terminait-il un corps ? « Est-ce que je deviens imbécile ? »
Ainsi commence La Condition
humaine, roman composé en sept parties.
Plan
détaillé du commentaire de l’incipit de La Condition humaine
Introduction
· En 1933, André Malraux fait
paraître La Condition humaine. Ce roman historique, dont l’action se
situe en 1927 dans la Chine de Tchang Kaï- Chek, obtient un très gros succès et
se voit décerner le prix Goncourt.
· Le récit s’ouvre sur une
scène dramatique : Tchen, un jeune communiste, est sur le point de tuer dans
son sommeil un trafiquant d’armes afin de récupérer un ordre de vente qui
permettrait à ses camarades de s’approvisionner en armes. L’intérêt de ce texte
réside dans le drame intérieur qui se joue au cœur de cette scène très tendue.
· Aussi peut-on s’intéresser au caractère très
cinématographique d’une ouverture de roman qui n’a d’autre fonction que de
mettre en scène l’angoisse que ressent le jeune révolutionnaire.
1. Une ouverture cinématographique
1.1 La dramatisation de la scène
· « Une scène à faire », de
l’aveu même de Malraux, d’après le manuscrit du roman. Un des temps forts de
l’œuvre : tout concourt dans cet incipit à créer une atmosphère tendue,
mystérieuse, angoissante qui rappelle celle des films en noir et blanc des
années 30-50 comme La Dame de Shanghaï d’Orson Welles qui commence par
une agression nocturne dans un parc ou bien Citizen Kane qui s’ouvre sur
la mort d’un homme solitaire, et d’abord les films sombres de Murnau, Faust
et Nosferatu ou de Fritz Lang tels Le docteur Mabuse ou M. le
maudit.
· L’entrée se fait
« in medias res » : le lecteur est plongé au cœur de l’action, du drame, par deux verbes d’action « lever « et « frapperait » (l.1), et même dans
l’intériorité du personnage nommé Tchen sans informations ni explications
préliminaires sur les circonstances, le mobile de l’acte, sans présentation du
personnage. Malraux transgresse là le protocole d’ouverture des œuvres
romanesques écrites à la manière de Balzac. La future victime désignée deux
fois par « cet homme » (l. 15 et 17), reste anonyme : réduite à un corps
immobile, et par une synecdoque, à un pied (l.5, 8 et 16) conformément aux
limites de la perception de Tchen, donc en grande partie invisible (comparaison
l. 4-5), elle est identifiée seulement comme ennemie de la révolution. A ce
stade, le meurtre en soi importe plus que le mobile ou la victime.
· Le temps semble
arrêté, comme suspendu, alors que l’action devrait être minutée comme le suggèrent
les indications précises au- dessus du texte dans le style d’un reportage.
Paradoxalement, l’action reste en suspens et l’acte est différé. Ainsi
s’instaure une tension entre d’une part, des indications ponctuelles, une date
et une heure précise, « minuit et demi » et d’autre part, des imparfaits dans
le récit qui inscrivent l’action dans une durée pesante. Les quelques passés
simples (l.11, 13, 30) ne parviennent pas à remettre en mouvement le récit ; au
contraire, ils soulignent par contraste son immobilisation. On a une sorte
d’arrêt sur image : un homme brandissant un couteau au- dessus d’un lit….
L’attente du lecteur devient pénible, son impatience est exacerbée. Dès ce
moment se cristallise la disjonction entre le temps objectif de l’histoire, «
21 mars 1927 » à « Minuit et demi » et le temps subjectif, celui que perçoit
Tchen. Pour lui, le temps s’est un
moment arrêté « dans cette nuit où le temps n’existait plus. » (l.14)
1.2 L’importance de la mise en scène et la charge
symbolique du décor
· Le cadre de
l’action n’est pas vraiment décrit : pas de plan
d’ensemble de la chambre, peu de détails. Le cadre, nous le découvrons à
travers quelques plans qui épousent le champ de vision (nécessairement limité)
de Tchen, selon l’échelle suivante : plan moyen du lit sur lequel tombe la
moustiquaire, masse lumineuse et confuse (« tas de mousseline blanche »), plan
plus rapproché, voire gros plan du pied (noté trois fois) sur lequel est fixé
le regard de Tchen et qui est mis en relief par la lumière qui l’éclaire par-dessous. Le complément « comme pour en
accentuer le volume et la vie » fait songer à une consigne inscrite dans un
scénario. La profondeur du champ est aussi étudié : en arrière- plan, on devine
l’univers urbain, identifiable grâce à divers indices visuels et auditifs : la
lumière émanant du « building voisin » (l.6), « le rectangle d’électricité pâle
» (l.7), les coups de klaxon (l.9), le « vacarme » puis les bruits lointains
des « embarras de voitures » (l.11-12).
· Les jeux d’ombre et de
lumière
semblent réglés comme dans un film des années 30. Ils sont appropriés à la
nature de l’acte en cours : un meurtre, acte illicite, ne peut qu’être commis
dans la pénombre, loin du regard des hommes. Le meurtrier reste dans l’ombre,
la victime aussi. De même l’intensité décroissante des sons
évoquée à l’aide d’images -klaxons déchirant le silence nocturne comme le
suggère l’emploi métaphorique du verbe « grincer », puis « vacarme retomba[nt]
» assimilé à un « vague », montre que Tchen s’éloigne peu à peu du monde des
vivants et s’enferme dans son monde intérieur. Les bruits soulignent par
contraste le silence de la chambre avant de s’estomper et de disparaître.
· Le décor est symbolique : La seule
source de lumière vient de la ville, espace vivant, animé, par opposition à la
chambre obscure où rien ne bouge ; Tchen a fait de cette chambre anodine un
lieu clos voué à la mort. Le rectangle blanc coupé par les barreaux de la
fenêtre, c’est la prison dans laquelle Tchen va mentalement s’enfermer. Tchen
est encore à la frontière entre deux mondes, celui de la lumière symbolisant le
monde des vivants et celui de la nuit évoquant la mort.
Tr. En fait, l’atmosphère oppressante créée par la mise en
scène est en accord avec l’état psychologique du personnage. Elle est le
révélateur d’un drame intérieur.
2. La primauté du drame intérieur
2.1 Un novice placé dans une situation- limite
· Le drame intérieur du
personnage, nous le découvrons d’emblée grâce au narrateur omniscient qui nous
permet d’entrer dans la conscience du personnage. Au moyen d’un
monologue intérieur, il nous livre ses pensées les plus secrètes, la voix du
narrateur se mêlant à celle de son personnage, à travers des phrases de types
variés : interrogatives (l.1, 9), exclamatives (l.10) et déclaratives (l.15-16)
; leur brièveté traduit l’angoisse du héros. Tchen affronte une situation
imprévue et inédite et se découvre à cette occasion.
· Tchen paraît
hésitant
: la double interrogation initiale et l’analyse du narrateur (l.1-4) semblent
l’indiquer. Le motif de son hésitation tient à la manière d’exécuter le meurtre
(l.25-26). Sa motivation n’est pas en cause car c’est un militant déterminé,
lucide et convaincu de la nécessité de son acte. Les modalités de la certitude
et du devoir sont très présentes dans
son discours intérieur : « cet homme devait mourir », « il savait qu’il
le tuerait », « cet homme qu’il devait frapper… ».Par ailleurs l’emploi d’un
vocabulaire religieux, « sacrificateur », « sacrifice », « dieux » (l.20-21)
suggère qu’il s’est mis entièrement au service d’une cause qui le dépasse, pour
laquelle il est prêt à mourir lui-même et qui se trouve ainsi sacralisée.
· Son hésitation s’explique par
le fait que Tchen n’est pas un tueur professionnel.
Tchen est un novice, un révolutionnaire néophyte qui fait l’apprentissage de
l’action. Plus loin, dans le roman, le premier meurtre sera assimilé à un
dépucelage. Son hésitation s’explique aussi par le fait que Tchen avait imaginé
un autre scénario : une victime qui résiste. Agir comme un prêtre-
sacrificateur et non comme un combattant, c’est se comporter comme un lâche,
d’où son malaise et même sa rage traduite par la phrase exclamative : «
Combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! ». Cette
situation exceptionnelle va lui permettre de découvrir les profondeurs de son
être.
2.2 La découverte de soi
· Tchen éprouve,
face au dormeur deux sentiments contradictoires : de la
fascination, mais aussi de la répulsion. Il est « fasciné par [le] tas de
mousseline blanche » qui le plonge dans un état d’ « hébétude » (l.3). En réalité, il est
fasciné par la pensée de la mort, par son pouvoir de destruction. C’est déjà «
l’extase par le bas » dont il parlera à
son ami Kyo. Mais il éprouve aussi une sorte de répugnance, exprimée par le mot
« nausée », à l’idée d’entrer dans le domaine de l’interdit absolu, le meurtre
étant en contradiction avec les principes chrétiens que lui a inculqués le
pasteur Smithson.
· Il éprouve surtout une
angoisse profonde quand il prend conscience qu’ « assassiner, ce n’est pas seulement tuer… »
(l.23). Il découvre qu’un assassinat
n’est pas seulement un acte physique qui fait passer la victime de vie à
trépas, mais un acte qui engage le meurtrier lui-même et qui révèle les
profondeurs insondables de l’inconscient, du psychisme humain. Tchen sera
d’ailleurs incapable de faire partager aux autres ce qu’il aura ressenti. Il
restera seul, muré dans son angoisse.
Conclusion
· Malgré l’intérêt que Malraux
attache à la création d’une atmosphère angoissante, c’est avant tout l’homme
qui l’intéresse dans la mesure où il peut incarner une interrogation
universelle.
· Tchen, écartelé entre deux cultures car ce marxiste a été
élevé dans la foi chrétienne, est à la recherche de lui-même. Sa fascination
pour la mort va s’affirmer au point qu’il verra dans l’autodestruction le seul
moyen d’accomplissement de son être.
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